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Hommage d’Edmond Hervé à Jacques Crochet

Pour Jacques,

Chère Josette

Comme en pareille circonstance la peine et l’émotion amènent un flot de souvenirs : j’ai partagé avec Jacques plus de 50 ans d’amitié fraternelle, avec des temps particuliers d’intimité familiale…

Un même engagement, une même appartenance, une même quête nous a réunis sans que nous n’en ayons jamais fixé le terme. Pour nous tous Jacques c’est tout d’abord, en ce Pays de Vitré, les certitudes d’une présence, d’une permanence, solide, disponible, fidèle et active, éloignée de toute complaisance solitaire, étrangère à tout abandon. Une présence qui réunit.

Son engagement puisait à différentes sources, celle de la naissance, de la formation et de l’expérience. Pour les personnes de ma génération sa profession signait son identité : il avait choisi d’être « instituteur», un beau mot qui lie réussite professionnelle et mission au service non seulement de la société mais aussi de la Nation. C’est Albert Camus qui a su le mieux dire ce que signifie ce mot : venant de recevoir le prix Nobel de littérature son premier geste est d’écrire à son instituteur qu’il ne cessera d’appeler « Monsieur», « Monsieur Germain».

Instruire c’est construire pour protéger et partager

Par-delà toutes nos réunions, toutes nos campagnes, toutes nos manifestations, il est un geste de Jacques que je garde en mémoire, qui m’a beaucoup touché, le considérant comme le plus beau des présents que cet ami que nous accompagnons aujourd’hui dans ce cimetière puisse me faire : le 4 juin 1982 il m’invite, en tant que Directeur à inaugurer une exposition consacrée à Jean Guéhenno, dans l’École qui porte son nom.

Par-delà le cours de la vie et la succession des actes il nous faut retrouver l’essentiel. Chez Jacques il se nomme la connaissance mais cette première nécessité va de pair avec l’intelligence du cœur qui donne un sens à ce que nous faisons. Une même valeur les réunit, celle de la laïcité. Jacques ne l’a jamais réduite à des lois et à des règles. Il sait qu’elle comprend la liberté d’opinion, d’expression, le principe de non-discrimination mais il sait aussi qu’elle signifie respect de l’autre, quel qu’il soit, égalité des chances, négation de toute humiliation, que la fraternité n’est pas le dernier mot rajouté à la trilogie républicaine.

Avec Jean Guéhenno précisément il sait que « la vérité n’est pas faite pour l’extase et la contemplation. La plus grande idée n'est pas grand-chose tant qu'elle n'ose pas affronter le réel… » ["Entretien avec de jeunes journalistes", Les Aventures de l'Esprit, Gallimard, 1954, p. 235].

Cette éthique n’a pas de frontières. Ne soyons pas surpris des différentes appartenances associatives, syndicales de Jacques, et par exemple de son investissement dans le sport, plus particulièrement dans le football […].Représenter une cause, la plaider, a des exigences pour se hisser à sa hauteur, la faire reconnaître, être digne de celles et ceux qui vous accompagnent. Jacques a connu l’adversité, elle ne l’a pas surpris car il connaît l’histoire, mais elle lui a appris à ne pas rester spectateur. Entendons ce qu’il ne manquerait pas de nous dire : le plus beau de mes souvenirs c’est que j’ai imaginé.

Edmond Hervé



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