Au fil des mots

En mai 1978, à propos d'une reproduction d'un dessin de Léonard de Vinci « où l'on voit face à face un vieil homme et un jeune homme effronté », Jean Guéhenno écrit : « Je ne veux retenir de la belle image du Vinci que ce sourire d'amitié qu'il y a dans les yeux du vieil homme. Il espère en son fils, et le fils le sait bien et il deviendra père et espèrera à son tour, et la grandeur de l'histoire des hommes n'est peut-être que celle de cette espérance. » in Le Monde, « Les pères et les fils », 23 mai 1978.

Quel témoignage ! Au soir de sa vie, Guéhenno est toujours en quête de l’ « état de vérité ».

Guéhenno qui a sous-titré son livre Changer la vie : Mon enfance et ma jeunesse, est resté fidèle à son enfance et à son « vieux pays ». Comme beaucoup de petits Fougerais, « le petit roi en sabots » a été mis en nourrice,  à St Germain en Coglès dans ce « canton de l’univers où il fait toujours soleil » et où le « monde lui appartenait ». Quatre lieux lui étaient chers : Peïné ou le paradis perdu ; Fougères, la ville des chaussonniers où la grève de 1906 a été « la plus grande épreuve humaine à laquelle j’aie assisté » ; Montolieu où il a connu sa première femme, Jeanne Maurel, et Paris où il a vécu la majeure partie de sa vie en tant qu’étudiant, puis enseignant, journaliste et écrivain.

Vous découvrirez au fil des mots que Guéhenno était un Européen convaincu, un défenseur de la paix sauf en certaines circonstances, un éducateur dans l’âme, un grand humaniste et que, pour tous ces engagements il est toujours un homme d’aujourd’hui.

Dès 1930, il écrivait : « L’Europe est notre vraie patrie. » Ayant connu deux guerres mondiales, sa principale préoccupation a été de défendre la paix, sauf en juin 1940 lorsque le Maréchal Pétain demande l’Armistice.  Le vieux « professeur ridicule », comme il se définissait lui-même, n’a eu de cesse de louer ses frères éducateurs, ces « pédagogues amoureux » qui ont pour mission de mettre les hommes en « état de vérité », le premier des droits selon lui. S’il se vante de n’aimer pas croire, toute sa vie a été celle d’un homme de foi, mais d’une foi en l’homme. Pour lui, l’humanisme est une « religion de l’homme ».

Le livre est un « outil de liberté » comme indiqué sur la plaque commémorative de la rue Pierre Nicole où habitait Guéhenno. Écrire est une « manière de vivre » pour Guéhenno et s’il écrit, c’est pour « apprendre aux hommes à espérer ».

Comment conduire « sa » vie ? Dans la « clairière des destins », « on ne change pas sa vie à soi seul », il faut, pour la changer, « changer aussi la vie des autres » ; mais « chacun a son dictionnaire...»

Comme son « vieux » Rousseau, Guéhenno était un homme de « confessions », mais pas de concessions : dès son plus jeune âge, il avait décidé d’être bachelier pour protester contre « un monde injuste et mal fait ». Son travail aura été son « plaisir », sa « vie même », par contre, son « principal chagrin » aura été de finir sa vie loin des « hommes simples » qu’il a aimés.

Guéhenno a énoncé un certain nombre de vérités sur l’égalité des chances, le pouvoir de l’éloquence, la culture vraie, les vrais hommes et la vraie vie : « nous rêvons une vie, nous en vivons une autre, mais celle que nous rêvons est la vraie. »… et nous a fait part de ses aversions, notamment pour la violence, car « aucune violence n’a ajouté à la grandeur des hommes ».

Puissent ces citations glanées au fil des mots, vous inciter à lire ou relire les ouvrages de Guéhenno, l’un des acteurs majeurs de la vie intellectuelle et politique français entre les deux guerres mondiales.

N’hésitez pas à nous faire part de vos remarques et à nous signaler d’autres citations de Guéhenno.

François Roussiau.


Fidélité à l’enfance


Faire de nécessité vertu

« J’ai idée que les auteurs de mes jours ne m’attendaient pas. Ils m’eussent volontiers laissé dans l’autre monde. Mais ils firent de nécessité vertu. […]. L‘erreur n’a pas été pour moi sans gravité, mais je ne songe pas à en tenir rigueur à ceux qui la commirent. »

Journal d’un homme de 40 ans, Grasset, 1934.

Couleur de l’âme

 « On ne revient pas de certaines impressions de l’enfance. Elles fixent la couleur de l’âme. » 

Ce que je crois, Grasset, 1964, p. 25.

Le vieux pays

 « Je respire le même air qui fut celui de mon premier souffle. Sans doute cette première gorgée d'un certain air dans un certain coin du monde fonde-t-elle pour toujours l’intimité de chacun de nous avec son vieux pays. » 

Carnets du vieil écrivain, Grasset, 1971, p. 60.

 « Le vieux pays, c’est pour chacun celui où il a appris à vivre et sans doute l’aime-t-on d’autant plus que l’apprentissage fut plus difficile. » 

Carnets du vieil écrivain, op. cit., p. 62.

Ma jeunesse…

 « Ma jeunesse a été comme un ruisseau de montagne qui se précipite, court et tombe, emporté par son propre bruit. » 

Journal d'un homme de 40 ans, Grasset, 1934, p. 106.

 « Une fois déjà, j'ai évoqué rapidement ces jours de ma jeunesse. Si j'y reviens, c'est que j'ai enfin compris que tout ce qu'il y eut de force et de netteté dans ma vie tient à ces jours-là. » 

Changer la vie, op. cit. p. 15.

 « Quand je parviens à évoquer une seule minute de ma jeunesse comme elle fut vraiment, dans sa tension et son combat, tout retrouve pour moi un ordre, un sens. Je crois savoir pourquoi je vis. » 

Carnets du vieil écrivain, op. cit., p. 43.

Le monde m’appartenait…

 « Le monde m'appartenait, un vrai monde avec de vrais fruits, de vraies fleurs, des collines, des bois, des eaux vives, un soleil et, le soir, des millions d'étoiles. » 

Journal d'un homme de 40 ans, op. cit., p. 22.

Petits sabots de bois noirs

 « Cette paire de petits sabots de bois noirs que j’ai là devant moi, dans une vitrine, les ai-je jamais portés ? Je ne peux pas m’en souvenir, mais ma mère m’a jadis assuré que ce sont les premiers que j’ai traînés dans la boue d’un village, chez ma nourrice, et, quand ils furent devenus trop petits, mon père les nettoya, les bûcha, les lissa, les frotta, les polit, les grava, les noircit, et en fit cet objet de parade pour éterniser, il en était sûr, mes premiers pas sur la terre. » 

 Dernières lumières, derniers plaisirs, Grasset, 1977, pp. 201-202.

Nourrice

 « Pauvre chère vieille femme, je devrais bien aujourd’hui savoir faire son portrait […] et je ne parviens pas seulement à revoir son visage. [C]eux que nous avons aimés et que nous ne pouvons plus voir, leurs ombres remplissent tout notre esprit. » 

Journal d'un homme de 40 ans, op. cit., p. 26.

Nous n’avions qu’une seule chambre…

 « Nous n’avions qu’une seule chambre. On y travaillait, on y mangeait, on y dormait, même certains soirs on y recevait les amis. Autour des murs, il avait fallu ranger deux lits, une table, deux armoires, un buffet, le tréteau du fourneau à gaz, accrocher les casseroles, les photographies de famille, celles du Czar et du Président de la République. […] [Sous la fenêtre] on avait installé “ l’atelier ”, la machine à coudre de ma mère, le bahut de mon père et un grand baquet d’eau dans lequel trempaient toujours des cambrures et des semelles. » 

Journal d’un homme de 40 ans, op. cit., pp. 61-62.

Mon père 

 « Ce qui lui importait était ce qui se passait en lui, un événement d'une admirable intensité, toujours repris, toujours recommencé, une certaine idée de la vie humaine qu'il avait, à laquelle il ne pensait pas même devoir être fidèle, mais qui le menait toujours, qui était devenue plus lui que lui-même. » 

Changer la vie, op. cit., p. 65.

Ma mère 

« Je revois le visage de ma mère, tout ridé par l’angoisse, et ses yeux pleins de peur. Je la vois toujours travaillant, toujours courant, toujours haletant. Elle courait pour devancer le malheur, pour être là, occuper la place avant lui. » 

Changer la vie, op. cit., p. 78.

Orange de Noël

 « Mais toujours, dans ma pensée, la nuit de Noël devra sa grandeur à ces souvenirs que j’ai rapportés, et il m’arrive encore de songer au bonheur comme à une belle orange de Noël qu’il faudrait partager entre tous les hommes pour que réellement ils la mangent. » 

Changer la vie, op. cit., p. 99.

J’étais employé au bureau…

« J’étais employé au bureau. J’étais le « gosse ». Je portais une blouse noire. Je faisais les courses. […] Onze heures chaque jour, les bottes mégis ou les Richelieu chevreau se multipliaient dans ma tête, sous mes mains, je sens une révolte imbécile à ce souvenir. Cela dura près de quatre années. » 

Changer la vie, op. cit., p. 136.

Quand le travail allait bien…

 « Quand le travail allait bien, on respirait, on rêvait ; les soirs de printemps et d’été, on allait au jardin public regarder monter les fumées de la vieille ville autour du château ; les après-midi des dimanches, on allait jusqu’à la forêt boire une bolée et manger une galette chez les sabotiers. » 

Changer la vie, op. cit., p. 62.

J’écris ces pages…

 « J’écris ces pages à la Bibliothèque municipale de F… J’y ai passé dans ma jeunesse bien des dimanches d’hiver. Je m’y plaisais. C’est une haute et longue salle, nette et claire, au second étage de l’hôtel des Postes. Les livres en couvrent trois côtés, tandis que, sur la rue, au-dessus des grands casiers de hêtre, s’étend, comme une tapisserie blanche et bleue, une immense verrière pleine de ciel. […] Les cloches de Saint-Léonard tout d’un coup sonnaient les vêpres. Il était trois heures. […] Le dernier son tintait. Je revenais à mon livre. Loin du monde. En plein ciel. » 

Journal d’un homme de 40 ans, op. cit., pp. 90-91.


Lieux chers à Guéhenno


Montolieu, le gouffre et le pont de Saissac

« Je regarde l’eau sombre du gouffre à trente mètres au-dessous de moi. J’écoute si l’eau descend encore de la montagne, parce que depuis trois cents ans, depuis que Riquet, l’ingénieur du roi, a employé la rivière à remplir le Canal des deux Mers, c’est la même affaire, tous les étés, dans le village : nous avons peur de manquer d’eau. Et puis, j’aime frotter ma main sur la pierre lisse du parapet. Il y a cent cinquante ans que le pont est construit, cent cinquante ans que tous les rouliers de la montagne y arrêtent leurs attelages, le temps d’aiguiser leur couteau sur la pierre chaude et lumineuse, avant de remonter dans leurs noires forêts. »

Journal d’une « Révolution » 1937-1938, Grasset, 1939.

Peïné : le paradis perdu

 « Cela s’appelait d’un nom étrange : Peïné. C’était une vieille chaumière isolée, à moins de deux lieues de la ville, mais, me semble-t-il aujourd’hui encore, aussi loin que les Indes ou la Chine. […] C’était au bout du monde, au fond du temps, le Paradis. » 

Changer la vie, op. cit., pp. 20-21.

Fougères 

« Ah ! Si je savais me contenter de la saveur que je trouve encore au cidre et à la galette de F… »

Journal d’une « révolution », 1937-1938, Grasset, 1939, p.129.

 « Aux vacances, je m'arrangeais chaque année pour revenir au pays et traverser au moins ma ville de chaussonniers. C'était d'abord toujours la même fête..." »

La Foi difficile, Grasset, 1957, p. 41.

 « La plus vieille, la plus sage, la plus soumise des petites villes d’Europe, une petite ville grise et bleue de Bretagne, au plus épais du bocage, à quelques lieues de la mer, au bout du monde, loin des Babels de perdition, une petite ville vouée depuis des siècles à la Vierge, à saint Léonard et à saint Sulpice…et où le pain, comme il se doit, bis pour les pauvres, blanc pour les riches, n’était pas fait pour les uns et pour les autres de la même farine. »

Changer la vie, op.cit., p.53.

 « Au fond de mes pensées, Fougères est pour moi le lieu d’une vieille bataille que j’ai vu tout un petit peuple livrer pour vivre. Dans cette ville de chaussonniers, on pensait, d’une façon générale, que les hommes naissaient au monde pour être chaussés. […] On travaillait ou on chômait, on mangeait ou on avait faim. » 

Carnets du vieil écrivain, op. cit., p. 62.

Montolieu, la colline St Roch

 « [D]evant moi, par-delà le balcon, s’étend la campagne éternelle. Une sèche colline, si pure, s’élève dans le ciel. Elle porte à son sommet une chapelle, des cèdres et des cyprès. […] Et les murs qui, sur les pentes, retiennent la terre et les vignes, un sentier qui monte en lacets évoquent l’éternité humaine. »

Journal d'un homme de 40 ans, op. cit., pp. 11-12.

Paris 

 « La lumière était dorée sur les feuillages clairs encore. [La fontaine Médicis au jardin du Luxembourg]. Dans leur niche, les petits amants de marbre s'aimaient et Polyphème, au-dessus d'eux, ne préparait qu'une bonne plaisanterie. Le bassin vert et noir avait des reflets de jaspe... » 

La Jeunesse morte, Éditions Claire Paulhan, 2008, p. 91.

 « Dans ce cabaret de Paris [le “ Petit Cupidon ”], tous les soirs, l'esprit humain se donnait une fête. Lieu de rencontres fraternelles. La jeunesse du monde s'y donnait rendez-vous, y prenait conscience d'elle-même. Des hommes et des femmes venus de tous les pays riaient, buvaient, disputaient, bavardaient ensemble. » 

La Jeunesse morte, op. cit., p. 108.

« 14 mai 1940. Promenades, courses dans Paris. Jamais la belle ville ne m’avait paru plus belle, plus fière, plus intelligente, plus délicieuse. Est-ce ce danger que je sens autour d’elle ? Je la regarde avec des yeux d’amoureux ; je ne me lasse pas de la contempler. Les Champs-Élysées hier soir vers 6 heures. »

Archives du Journal des années noires, Jean-Marie Guéhenno.


Européen d’abord


Le plus humble des Européens

 « Je me souviens d’avoir, pour la première fois, vers ma trentième année, écrit à la tête d’une grande feuille de papier blanc ces mots comme le titre d’un livre que je voulais, que je devais écrire : “ le plus humble des Européens ”. J’ai repris dix fois mon projet. Vainement. Mais je n’ai jamais cessé d’en rêver, et c’est sans doute en effet le seul livre que j’aurais dû écrire, en communion avec le plus profond de moi-même. » 

Ce que je crois, op. cit., p. 23.

 

L'Europe est notre vraie patrie. 

 « C'est elle que nous devons rejoindre en attendant de rejoindre le monde. » 

Europe, « Difficiles amours », n° 96, décembre 1930.

 

La conscience européenne

 « Par-delà les divisions politiques de l’Europe, il y a l’unité de la conscience européenne. Et à cet égard nous ne pouvons plus même dire ce que nous devons aux uns et aux autres. Cette conscience est l’œuvre d’une lente, longue et commune raison. Chacun a enseigné l’autre. » 

Préface de Jean Guéhenno à Alfonso Errera, France/Italie, Tunis, Imprimerie Habadou & Cie, mai 1939.

 

Je me souviens de mes promenades…

 « Je me souviens de mes promenades dans le jardin de ma petite ville [Fougères] vers 1912, j’y rencontrais des Européens, des Anglais, des Allemands, et je me souviens m’être demandé si je rencontrais des amis ou des ennemis. Je savais que notre salut à tous eût été de les regarder avec amitié. »

L’Esprit européen, Rencontres internationales de Genève, Éditions de la Baconnière, Neuchâtel, 1947, p. 107.

 

L’esprit européen

 « L’esprit européen court actuellement les plus grands dangers. Il manque des ressources, il manque des armées, il manque de l’organisation et de l’organisme qui lui assureraient définitivement la vie. » 

L’Esprit européen, Rencontres internationales de Genève, op. cit., p. 108.

 

« Le salut de l’Europe ? Le salut de l’esprit européen ? Il ne peut être que dans un humanisme militant. » 

L’Esprit européen, Rencontres internationales de Genève, op. cit., p. 118.

 

Une certaine idée de l’homme

 « L’Europe est une certaine idée de l’homme, une pensée qui se retrouve la même et commune, à travers les siècles dans d’innombrables chefs-d’œuvre, un programme de vie, une méthode, une raison, une volonté de grandeur et de dépassement, qui s’est donnée au monde, si bien que partout, à certains égards, on pense, on parle et que tous les plus importants problèmes se posent en termes européens. » 

Le Figaro, « L’Europe des peuples », 4 juillet 1974.

 

Il n'y aura de véritable Europe 

 « Il n'y aura de véritable Europe que lorsque nous pourrons nous dire Européens comme nous nous disons Français, Allemands, etc. » 

Le Figaro, « Notre destin d'Européens », 21 avril 1977.


Défendre la paix à n’importe quel prix ?


Guerre

 « Je suis de ceux, innombrables, qui ont vécu la guerre furtivement, craintivement, humainement. » 

Journal d'un homme de 40 ans, op. cit., p. 159.

 

Douze millions de morts pour rien

 « J’attends qu’on nous montre, en cette belle année 1933, ce que quelqu’un a gagné à la guerre. De tout ce qu’elle a achevé de bouleverser, il n’est rien qui n’eût pu être mis en ordre par les réflexions et les discussions d’hommes seulement un peu plus intelligents, plus attentifs, plus présents. […] Douze millions de morts pour rien. […] J’écris ces choses sans passion, avec une infinie tristesse. » 

Journal d'un homme de 40 ans, op. cit., p. 209.

 

Morts pour rien

 « C’est aux vivants à accomplir les espoirs des morts et c’est leur faute quand les morts sont morts pour rien. » 

La Mort des autres, Grasset, 1968, p. 20.

 

L’immense cadavre de la jeunesse étendue… 

« Parmi les morts on ne distingue ni vainqueurs, ni vaincus. Tous les morts sont des morts. Un seul fait domine tous les autres ; la vérité, c’est l’immense cadavre de la jeunesse étendue en travers des plaines d’Europe. » 

La Jeunesse morte, op. cit., p. 248.

 

La guerre est un désastre

 « Nous partons en guerre pour les faibles, pour les opprimés, pour tous ceux qui croient qu’il est de grandes œuvres de paix à protéger et que la guerre est un désastre. » 

La Jeunesse morte, op. cit., Annexe 1, Journal de guerre (août-octobre 1914), p. 255.

 

Dans un champ de betteraves

17 octobre 1914 : « La mort au champ d’honneur, la plus triste de toutes. La plupart en réalité ne meurent que dans un champ de betteraves. » 

La Jeunesse morte, op. cit., Annexe 1, Journal de guerre (août-octobre 1914), p. 261.

 

Pire que la guerre : la servitude 

17 juin 1940 : «Voilà, c’est fini. […] Je pense à toute la jeunesse. Il était cruel de la voir partir à la guerre. Mais est-il moins cruel de la contraindre à vivre dans un pays déshonoré ? Je ne croirai jamais que les hommes soient faits pour la guerre. Mais je sais qu’ils ne sont pas non plus faits pour la servitude. » 

Journal des années noires, Gallimard, 1947, p. 13.

 

« [I]l peut y avoir pire encore que la guerre, et c'est la servitude. » 

La Mort des autres, op. cit., pp. 170-171.


Éducateurs, mes frères


Enseigner la République

«  [La] République, à force d’honnêteté critique, n’a jamais osé s’enseigner elle-même, et, par comble, elle a laissé faire ses enfants qui l’ont à loisir calomniée. »

J. Guéhenno, Le Figaro, 12 novembre 1959.

Pédagogue

« Nous aurions fait tout notre devoir de pédagogues, si nous avions donné aux jeunes gens quelques clés de la vie ; la curiosité est la principale, celle qui ouvre le plus de portes. »

Sur le chemin des Hommes, Grasset, 1970

Pédagogie

«  La pédagogie est la seule ressource qu’on ait pour rendre l’air respirable à de jeunes êtres qui, sinon, risqueraient d’étouffer. »

Sur le chemin des Hommes, Grasset, 1970.

Professeur

« Je définirais un professeur un homme qui pense mieux devant les autres, avec les autres et pour les autres, que seul et pour lui seul. »

Ce que je crois, Grasset, 1964.

Apprendre à se construire

 « [R]ien n'est plus beau au monde que ce travail de soi sur soi. C'est le travail propre de l'humanité, et d'elle seule. […] Il faut mener un homme, tout homme jusqu’à lui-même et lui apprendre à se construire. »

Ce que je crois, op. cit. pp. 118-120.

Artiste

 « La pédagogie est bien plus un art qu’une science. Un vrai professeur doit avoir plusieurs des qualités d’un très grand artiste. » 

Sur le chemin des Hommes, Grasset, 1959, p. 27.

Clarté

« Le maître le plus savant en une chose et le plus efficace n’est après tout que celui qui trouve les moyens d’en parler avec le plus de clarté, et les choses ne commencent d’être que quand nous les avons exactement nommées. » 

Sur le chemin des Hommes, op. cit., p. 178.

Curiosité

 « Nous aurions fait tout notre devoir de pédagogues, si nous avions donné aux jeunes gens quelques clés de la vie ; la curiosité est la principale, celle qui ouvre le plus de portes. »

 Sur le chemin des Hommes, op. cit., p. 137.

École

 « Le rêve d'une humanité nouvelle ne peut partout commencer que dans une salle de classe. » 

Sur le chemin des Hommes, op. cit., p. 24.

 « C’est à l’école qu’il faut raccommoder la toile déchirée de notre monde et empêcher qu’on ne la déchire davantage. » 

Sur le chemin des Hommes, op. cit, p. 213.

 « Je crois que tout commence à l’école »

 Carnets du vieil écrivain, op.cit., p. 132.

Éducation

 « Cette éducation toute désintéressée et intérieure peut seule grandir et élargir la vie des hommes. Il ne suffit pas de les préparer à gagner leur vie. Il faudrait leur enseigner à la vraiment vivre après qu'ils l'ont gagnée. » 

Ce que je crois, op. cit., p. 146.

 « [I]l se peut bien que la vie d’un ouvrier d’aujourd’hui ne soit pas encore plus pleine, plus riche intérieurement que celle de son grand-père. Mais c’est affaire justement d’éducation […] On a perdu, dans des guerres, à tuer les hommes, l’argent qu’on eût dû employer, dans des écoles, à les former. » 

Sur le chemin des Hommes, op. cit., pp. 45-49.

Enseignants-chercheurs

 « [L]es “chercheurs” ne sont pas les professeurs. Que les chercheurs cherchent et que les professeurs enseignent. Ce sont deux fonctions distinctes. » 

Journal des années noires, 27 janvier 1942, op. cit. , p. 185.

État de vérité

 « [I]l y a, me semble-t-il, un état de vérité et tout le travail de l’éducation devrait consister à hausser les hommes, autant qu’ils en sont capables, jusqu’à cet état. » 

Ce que je crois, op. cit., p. 133.

Former des hommes 

 « C’est là les mettre en état de vérité, non la leur enseigner comme toute faite et déjà acquise, mais les mettre en garde contre tout ce qui n’est pas encore elle et leur apprendre à la chercher. » 

Ce que je crois, op. cit., pp. 139-140.

Instituteur

« Il dictait lentement, nous écrivions lentement. Et cette lenteur nous contraignait à reconnaître, lettre après lettre, les mots, la valeur de notre langue. Il nous enseignait non pas l’orthographe, mais le français, sa longue histoire, sa beauté, ses grâces, ses ruses, ses charmes, sa force. »

Le Figaro, « La dictée », 4 mars 1976.

Instruction

« Le but de l’instruction n’est pas de faire admirer aux hommes une législation toute faite, mais de les rendre capables de l’apprécier et de la corriger. » 

Conversion à l'humain, Grasset, 1931, p. 163

Pédagogues amoureux

« On ne reconstitue pas seul le cours régulier des études, déterminé par l’usage et la tradition. Ces pédagogues amoureux jusqu’à la manie des choses qu’ils enseignent et qui répètent chaque année leurs explications et leurs plaisanteries sont irremplaçables. » 

Changer la vie, op. cit., p. 202.

Travail utile

« [L]e travail utile, le seul qui change le monde et la vie, est celui de quelques vrais maîtres qui ont le respect des esprits, qui ne prêchent pas, ne ronronnent pas, mais simplement cherchent et parlent. Et alors il n’est guère de plus grand spectacle. » 

La France et les Noirs, Gallimard, 1954, p. 15.


L’humaniste


Charité

« Le plus vrai plaisir qu'on puisse faire à un être un peu noble, c'est de lui donner le sentiment qu'on a besoin de lui. Il n'est sans doute pas de plus grande charité que de paraître avoir besoin de la charité d'autrui. » 

Journal des années noires, 27 juillet 1943, op. cit., p. 273.

 

Droit à la vérité

 « […] Il y avait un droit à la vérité devant lequel tous les esprits étaient égaux, et c’était le premier des droits. […] Un esprit d'homme veut être respecté : il n'est pas de plus grand crime que de lui rendre la vérité suspecte. Je crois toujours naïvement qu'elle est comme l'eau-mère où l'esprit se forme et grandit comme un cristal. » 

Changer la vie, op. cit. pp. 215-216.

 

Homme authentique

« On est si rarement un homme authentique sans rien entre soi et le reste. Le reste ? C'est tout l'univers autour de nous, tout ce à quoi nous ne devrions jamais nous habituer, tout cela qui vit et change à chaque heure en même temps que nous. […] » 

Carnets du vieil écrivain, op. cit., p. 183.

 

Homme de série

« Pauvres et riches sont les mêmes hommes de série, “ n’importe qui ”, et se valent devant les vraies valeurs. Nous sommes ce que le temps nous fait, et “ n'importe qui ” parfois ne se soucie guère de l'authenticité, de la vérité et de la justice. » 

Dernières lumières, derniers plaisirs, op. cit., p. 219.

 

Hommes sans histoire

 « J'ai souvent pensé que la plus grande et la plus émouvante Histoire serait l'histoire des hommes sans histoire, des hommes sans papiers, mais elle est impossible à écrire. » 

Changer la vie, op. cit., p. 165.

 

Hommes vrais

 « [L]es hommes peuvent n’être pas ce qu’ils sont, ce que la nécessité les fait, mais ils peuvent être ce qu’ils font, ce qu’ils veulent être. » 

Jean-Jacques, 1758-1778, Gallimard, 1952, p. 341.

 

Humanisme

 « L’humanisme est une foi, une foi en l’homme. C’est une religion de l’homme […] » 

Caliban et Prospero, Gallimard, 1952, p. 33.


L’écrivain et le livre


Apprendre à espérer

 « Je n'ai jamais écrit que pour apprendre aux hommes à espérer. » 

Carnets du vieil écrivain, op. cit., p. 203.

 

Qu’est-ce qu’écrire ?…

 « Qu’est-ce qu’écrire ? Pourquoi écrire ? Pour qui écrire ? […] J’avoue n’être pas trop troublé par ces questions. J’écris simplement pour les mêmes raisons pour lesquelles je vis. C’est une de mes manières de vivre, un de mes besoins. » 

Carnets du vieil écrivain, op. cit., pp. 12-13.

 

Un écrivain…

 « Un écrivain est un homme à qui l’image qui lui est proposée du monde par la tradition et la coutume ne suffit pas. Il en compose une autre, la seule qui soit vraie pour lui. » 

La Foi difficile, op.cit., pp. 127-128.

 

Un lecteur… 

 « Il se peut, après tout, que mes livres rencontrent quelquefois un lecteur qui les aime. Je sais bien ce que serait cet homme-là : quelqu'un qui, comme moi-même, ne serait pas sûr d'être toujours intelligent, qui quelquefois se serait senti aussi dénué que moi-même, soit que les fées l'aient mal servi à sa naissance, soit que la confusion du temps ait désespéré sa bonne volonté, mais quelqu'un qui, en dépit de tous ses manques et de toutes ses inaptitudes, tiendrait bon et resterait prêt à l'allégresse. »

Carnets du vieil écrivain, op. cit., p. 44.

 

Un livre…

 « Un livre est un outil de liberté. » Carnets du vieil écrivain, op. cit., p. 152. (Texte reproduit sur la plaque commémorative de la rue Pierre Nicole où habitait Jean Guéhenno). « [I]l se peut que le livre, comme moyen d’expression, soit en train de mourir. La radio, le cinéma, la télévision ont désormais une autre puissance. » 

Carnets du vieil écrivain, op. cit., p. 13.

 

 « Un  livre n’est pas seulement un témoignage… Un témoignage n’est convaincant et n’a une valeur efficace que s’il est fait avec talent. »

Jean Guéhenno, lettre à Michel Malle (6 mai 1971), Cahiers Jean-Guéhenno n° 6, pp.39-47.

 

Je savais gré aux livres…

" Je savais gré aux livres de m'avoir fait riche de la seule richesse, de m'avoir permis de vivre une autre vie que celle que l'on gagne."

Journal d'un homme de 40 ans, op.cit., 1934, p. 138.

 

Les livres ne font que rendre…

« Ils valent tout juste la volonté de délivrance et de lumière qui inspire celui qui les lit. Ils ne délivrent que ceux qui veulent être délivrés. Quand cet instinct nous quitte, alors c’est comme si le jardin des muses défleurissait. Les idées se fanent et se sèchent, et la vie de notre esprit n’est plus qu’un pourrissement vénéneux, une sorte de pestilence qui tourne en poisons les plus belles choses qu’il y ait au monde. Alors nous vivons des livres comme des fleurs les chenilles, en les tuant, en tissant autour d’elles ces fines toiles qui les enserrent, les emprisonnent, les dissolvent, si bien que là où s’épanouissait la rose, là où la sève de la vie et l’espoir de la lumière devenaient parfums et couleurs, il n’y a plus qu’un rameau flétri et la mort. Puissent la force et la grâce ne me manquer jamais pour lire comme je lisais autrefois ! Que les livres ne me soient jamais le moyen de l’oubli ! Puissé-je jamais y chercher toujours la vie et la vérité, comme une ménagère, au matin, cherche le feu dans les cendres. »

Changer la vie, op.cit. pp. 190-191.

 

La vraie lecture…

 « La vraie lecture commence quand on ne lit plus seulement pour se distraire et se fuir, mais pour se trouver. […] La vraie lecture est la chose la plus intime et la plus désintéressée, encore qu'il ne s'y agisse que de nous-mêmes. C'est un temps qu'on se donne pour ne plus vivre par influence, par contagion, mais pour reconnaître, choisir son propre chemin et devenir soi-même. » 

Carnets du vieil écrivain, op. cit., p. 152.

 

Bien lire

 « [Il] n’est pas tant nécessaire d’avoir beaucoup lu que d’en avoir bien lu quelques-uns, avec la passion d’y découvrir la force vive qui les créa, si bien qu’elle passe en nous et nous anime et nous rende capables à notre tour de la création et de l’invention. » 

Sur le chemin des Hommes, op. cit., p. 217.


Conduire « sa » vie


Andante

 « On se raconte à propos de soi-même une belle et grande histoire. On passe vingt ans, trente ans à tenter de la vivre. À l'heure de l'andante, il faut bien voir qu'on ne l'a pas vécue. » 

La Foi difficile, op. cit., p. 14.

 

Chacun a son dictionnaire

 « Il n’est pas si simple d’entrer dans l’âme et dans la vie des autres. Ce n’est pas une science qui se vende ou s’achète, comme le latin ou le grec ou les mathématiques. […] Les mots les plus simples, ceux à quoi tient le destin de tous les hommes, le pain, le travail, l'argent, l'amour, l'amitié, la maladie, la mort n'avaient pas en nous deux le même sens, ne créaient pas la même tension, n'évoquaient pas les mêmes problèmes. Chacun a son dictionnaire. » 

Changer la vie, op. cit., p. 244.

 

Changer la vie

 « On ne change pas la vie à soi seul et ce n’est rien d’être libre en rêve. Le problème de la liberté intéresse tout le troupeau. Tout le troupeau sera libre ou pas une bête ne le sera. » 

Journal des années noires, 22 février 1941, op. cit., pp. 87-85.

 

 « [O]n ne change pas sa vie à soi seul et [...] il faut, pour la changer, changer aussi la vie des autres. » 

Changer la vie, op. cit. p. 247.

 

 « Pour changer la vie, c'est l'homme même qu'il faut changer. “ Ce sera long, long ” comme disait Renan. Mais il change. Il a beaucoup changé en des millions d'années et continuera. » 

Dernières lumières, derniers plaisirs, op. cit, p. 219.

 

Clairière des destins

 « C'est maintenant seulement que, si j'étais poète, je pourrais essayer de dire ce qui se passe vraiment dans la clairière des destins. »

 Changer la vie, op. cit., p. 246.

 

 « …dans cette clairière des destins où pour chacun commence la vie, où on ne sait quelles fées, quelles sorcières préparent à chacun son petit rôle pour l’instant qu’il aura à vivre en lui donnant son compte de vices et de vertus, d’intelligence et de sottise, de gentillesse et de dureté, de force et de faiblesse. »

Carnets du vieil écrivain, op.cit. p. 111.

 

Un beau conte

 « L'esprit le moins romanesque ne résiste pas à l’envie de faire de sa vie un beau conte. »

 Journal d'un homme de 40 ans, op. cit., p. 20.

 

Esclaves

 « Il n'est pas bon de trop dire à des hommes qu'ils sont esclaves. Ils finissent par le croire, s’habituent à subir ou attendent des autres leur libération, et quand en effet la liberté se meurt, ils n’ont plus les forces ni la foi nécessaires à la sauver. » 

Journal des années noires, 23 mai 1941, op. cit., p.114.

 

Inégalité des esprits

 « Tout le progrès d’un homme me semble être de passer d’une vie qu’il subit à une vie qu’il pense, dût cette pensée ne lui en faire reconnaître que le malheur, y ajouter, et ne le conduire qu’au désespoir et à la révolte. […] [L]’inégalité des esprits […] il faut tout faire pour la corriger et la compenser. » 

Ce que je crois, op. cit., p. 107.

 

Donner un sens à notre vie

 « Parce que nous sommes les seuls êtres qui savons que nous devons mourir, nous sommes aussi les seuls qui puissions donner un sens à notre vie. Tout ce qui importe est cette volonté même. Quand elle serait illusoire, elle n'en aurait pas moins de prix. C'est être digne déjà que de rêver de l'être. »

Journal d'un homme de 40 ans, op. cit., p. 240.

 

Songes

 « Qui sait si nos songes ne sont pas notre plus vraie justification. Eux seuls nous accordent à ce magnifique univers qu’il nous est donné de traverser, à l’infini du ciel, à l’éternelle lumière. » 

Journal d'un homme de 40 ans, op. cit., p. 240.

 

Le temps de vivre.

« C'est une incroyable chance d'avoir quelquefois le temps de vivre, le temps de la conscience, fût-ce la conscience de tout son malheur, de pouvoir s'arrêter quelquefois, reprendre souffle et lever la tête pour contempler l'étonnant paysage autour de soi, y reconnaître sa place et se perdre en lui. » 

Changer la vie, op. cit., p. 80.

 

Vingt ans

 « On ne juge jamais mieux qu'à vingt ans l'univers : on l'aime tel qu'il devrait être. Toute la sagesse après est à maintenir vivant en soi un tel amour. » 

Journal d'un homme de 40 ans, op. cit., p. 252.

 

Vivre sa vie

« Certes il faut leur apprendre à gagner leur vie. Mais ils ne la gagnent que pour la vivre. Et c’est à la vivre surtout qu’ils doivent être préparés. » 

Caliban et Prospero, op. cit., p. 58.

 

Visages de ceux que j’aime…

 « Lorsque je me suis pris à considérer les visages de ceux que j'aime, les rides pathétiques qu’y a imprimées une vieille peur, je n'ai pensé qu'à les effacer. Ce sont les conditions de la vie qui font la vie. […] Nous tirons tous la même charrette, mais tous les charretiers vous diront qu’il y a façon et façon de la charger. » 

Carnets du vieil écrivain, op. cit., p. 49.


Confessions


Amour

« C’est l’amour qui nous aide à traverser la vie. [...] On passe d’amour en amour. On craint et on s’accuse d’être infidèle. Mais c’est toujours, au fond, la même force et le même besoin d’amour, le même amour recommencé. »

Dernières lumières, derniers plaisirs, p.cit.

Aimer ! La merveilleuse audace !…

« Aimer ! La merveilleuse audace ! Mais qui donc ose aimer ? Aimer, c’est accepter soudain de doubler tous ses risques, vivre de la vie d’un autre, mourir de la mort d’un autre et être doué d’un courage qu’on n’aurait jamais pour soi. Être aimé, c’est avoir la certitude qu’il y a au monde quelqu’un en qui toujours tu pourras te reposer, quelqu’un qui t‘aimera encore quand toi-même ne pourras plus te supporter, quand toi-même ne pourras plus t’aimer. Dieu, dans les religions, remplit cet office pour toutes les âmes. Mais ceux qui sont aimés d’une autre créature n’ont pas besoin de Dieu. » 

Journal d'une « révolution », op.cit., p. 103.

Je serais bachelier…

 « Je décidai que le monde était injuste et mal fait, et puisque ceux qui le menaient étaient bacheliers, que je serais bachelier comme eux, pour travailler à le changer. Voilà toute mon histoire. » 

Carnets du vieil écrivain, op. cit., p. 198.

Vive le bachot !

 « J’écrivis, un soir, avec application, dans un coin de la petite table sur laquelle je travaillais à la maison, ces mots, comme un engagement solennel avec moi-même et l’univers : Vive le bachot ! » 

Changer la vie, op. cit., p. 150.

Batailles pour un sou

 « J’ai grandi dans des batailles qu’on livrait pour un sou. […] L’honneur autant que le pain était engagé. Dans un monde où l’argent réglait tout, il semblait que la pauvreté fût une condition honteuse. C’est cela que je n’ai jamais oublié. » 

Carnets du vieil écrivain, op. cit., pp. 199-200.

Grève de 1906

 « Cette grève de 1906 reste en moi comme la plus grande épreuve humaine à laquelle j’aie assisté. […] C’était une affaire de pain, bien sûr, mais autant une affaire d’honneur, un dur combat. » 

Changer la vie, op. cit., p. 166.

Caliban parle !

 « J’ai commencé ma vie d’écrivain par une proclamation naïve. J’annonçais que l’éternel silencieux allait enfin parler : “ Caliban parle ! ” Caliban avait fini de seulement grogner. Il parlait vraiment, et même quelquefois une langue déjà assez claire. »

Sur le chemin des Hommes, op. cit., p. 18.

Fées

 « Je ne me résignerai jamais à penser que tout soit joué d'avance, que notre sort soit tiré par les fées, dans la clairière où elles s'assemblent, avant même notre premier cri. » 

Changer la vie, op. cit., p. 10.

Grands efforts

 « Je ne suis parvenu à rien que par de grands efforts. » 

La Foi difficile, op. cit., p. 16.

Quand un homme…

 « Rien ne me touche comme cet engagement profond, quand un homme vit comme il pense et pense comme il vit. » 

Ce que je crois, op. cit., p. 88.

Homme de foi

 « Je me vante quelquefois de n’aimer pas croire. Ce qui est plus exact, c’est que j’aimerais mieux penser et savoir et je sais qu’il faut croire le moins possible pour penser le plus possible. Mais je suis un animal pieux, et toute ma vie est celle d’un homme de foi. » 

Journal des années noires, 15 avril 1943, op. cit., p. 262.

Hommes simples

 « [M]on propre chagrin, c'est de devoir finir ma vie loin des hommes simples que j'ai aimés, d’en être venu à écrire et à parler une langue qu'ils ne peuvent pas même entendre, toute abstraite et blanche, et où ne se reconnaît plus le battement de leur sang. » 

La Foi difficile, op. cit., p. 241.

Jean-Jacques…

 « Cher Jean-Jacques, voilà bien des ans déjà que nous vivons ensemble ! […] c’est que je sentais que tu étais, et je voulais passionnément savoir ce qu’était un homme vrai. » 

Jean-Jacques, 1758-1778, op. cit., p. 49.

Mémoire

 « [L]’imagination du malheur ne me manque pas. De ces choses je n'aime pas me souvenir. Heureusement je me souviens mal. L'instinct de conservation règle notre mémoire, et j'ai, pour durer et vivre, oublié. » 

Changer la vie, op. cit., p. 89.

Rebelle

« …rebelle. C’est une espèce que j’aime. »

Le Monde « Le rebelle et l’autogestion. », 21 juin 1978.

Révolte au cœur

 « Je croyais sottement à vingt ans n’avoir pas eu de chance. Mais les années m’ont appris que c’était un bonheur prodigieux de naître la révolte au cœur […]. » 

La Foi difficile, op. cit., p. 232.

Roman

 « Je n'écrirai donc jamais un roman. Il y a trop de raisons à cela. Je ne crois pas assez à l'existence du monde extérieur. Je suis trop ignorant des êtres. » 

Carnets du vieil écrivain, op. cit., p. 23.

Je vais m’enfoncer dans le silence

« Je vais m'enfoncer dans le silence. Il faut que je taise tout ce que je pense. » 

Journal des années noires, 25 juin 1940, op. cit., p. 15.

Mon travail…

 « Mon travail a été mon plaisir, ma vie même. Je crains qu'une telle vie soit faussée. » 

Carnets du vieil écrivain, op. cit., p. 56.

Mon plus grand vice…

« Mon plus grand vice sans doute est de n’avoir jamais su m’amuser. »

Le Monde, « Les hommes sans histoire », 15 octobre 1977.


Vérités « guéhenniennes »


Ami

« Un ami nous aide à être nous-mêmes, il éveille en nous des vertus, il ouvre des chambres fermées. On croyait habiter une bicoque et voici que c’est un palais. »

J. Guéhenno, La Jeunesse morte, Éditions Claire Paulhan, 2008.

Homme

« Un homme n’est pas ce qu’il subit et ce qu’il manque, mais ce qu’il veut et ce qu’il fait. »

Jean-Jacques, 1758-1778, Gallimard, 1952

Amitié.

« La société des amis est toujours une société idéale. Elle est un échange continu. [...]. Un ami ouvre en nous des chambres fermées. Il nous aide à être nous-mêmes et nous nous enrichissons de tous les biens qu’il lui a plu de découvrir en nous. » 

Journal d'un homme de 40 ans, op. cit., p. 133.

Bonheur

« C’est la plus grande part du bonheur, si le bonheur c‘est d’être soi sans y penser. » 

Le Figaro, « Il y a toujours des oiseaux »,11 avril 1969.

Ce que je crois

 « Puisqu'il s'agit de “ ce que je crois ”, j'ai cru, je crois à la fidélité. C'est sans doute ma foi la plus profonde. J'y ai cru, j'y crois comme à mon premier devoir, et s'il est en moi quelque fanatisme, il est là. On entend bien de quelle fidélité je parle. C'est de la fidélité aux plus pauvres et aux plus dénués, où qu'ils soient. » 

Ce que je crois, op. cit., p. 86.

Démocratie

 « La démocratie est la religion du bonheur des hommes, mais c’est aussi la religion de leur dignité. » 

La France dans le Monde, Éditions de la Liberté, 1946, p. 39, repris in Aventures de l’Esprit, Gallimard, 1954, p. 31.

 « La démocratie n’est que la conciliation de la justice sociale et de la liberté. » 

Voyages, Tournée américaine, tournée africaine, Gallimard, 1952, p. 21.

Dignité

 « Ce que je sais d'une toujours plus claire certitude, c'est que toute dignité consiste à chercher en soi-même son ordre, à essayer d'y trier le vrai, selon la parole du vieux Montaigne, et quand on croit l'avoir trouvé, à s'y tenir, sans égards pour les folies qui triomphent et qui passent. » 

Journal des années noires, 26 novembre 1940, op. cit., p. 57.

Dignité

« Désir général du bonheur, volonté individuelle de l’honneur La dignité est dans l’entre-deux. »

Dernières lumières, derniers plaisirs, op.cit., p.214.

Effort

« Le souvenir de l’effort est toujours un souvenir heureux et l’on sourit aux anciennes misères vaincues. » 

Ce que je crois, op.cit., p.33.

Égalité des chances

 « L’égalité des chances. […] c’est elle seule qui peut et doit faire la justice entre les hommes. Ce fut et c’est toujours ma conviction la plus profonde, ma plus grande espérance. » 

Ouest-France, « L’Égalité des chances », 3 mars 1978.

Éloquence

 « Celui qui parle le mieux finalement l'emporte toujours, et c'est un bien bel art que celui de savoir rendre petites les choses grandes et grandes les choses petites, de rester, en toutes circonstances, le maître des définitions, et de fixer ainsi l'ordre et la règle. » 

Changer la vie, op. cit., p. 139.

Fidélité à soi-même

 « J'appelle sincérité la fidélité à soi-même d'un homme qui, s'étant enfin reconnu et, à tort ou à raison, ayant construit son âme sur une certaine règle, s'y tient comme à une sorte d'honneur. » 

Ce que je crois, op. cit., p. 125.

Imagination

 « L'imagination, seule, ouvre les portes de la prison, et c'est elle qui fait les rois de la vie. » 

Dernières lumières, derniers plaisirs, op. cit., pp. 15-16.

Liberté

 « Il est tel moment où toute notre liberté se réduit à la conscience de notre servitude ; elle est comme un grand souvenir qui continuerait de nous orienter, et nous ne cessons pas de savoir de quel côté le jour se lèvera. » 

Journal des années noires, 28 février 1941, op. cit., p. 88.

Maître

 « On n'a pas d'autre maître que soi-même ; il faut que ce maître soit dur… » 

Journal des années noires, 26 janvier 1942, op. cit., p. 184.

Musique 

« La difficulté de la musique était toute dans l'observation des règles et non dans l'exécution du chant. »

Jean Guéhenno, Jean-Jacques, 1948, op.cit. p.159.

Philosophie

 « Les philosophies ne sont jamais plus belles que quand elles sont encore poésie, découverte et conquête du monde. »

Changer la vie, "Histoire de souliers", op.cit., p. 48.

Regard des autres

 « Une nation pas plus qu’un individu ne peut se passer du regard des autres, de cette flamme fraternelle, de cet encouragement à vivre qui y étincelle quelquefois. » 

La France dans le Monde, op. cit., p. 14, repris in Aventures de l’Esprit, op. cit., p. 10.

Retour à la solitude

« Quand le Robinson de Michel Tournier, à force de travail, a fini de faire de son île sauvage une terre aussi exactement arpentée, mesurée, intelligible, comme rationnelle que la plus cultivée des terres de l’Europe, qu’il a rédigé la charte et le code de son gouvernement, il commença d’y être malheureux. Cette île administrée ne lui suffit plus. Il rêve d’une autre île. Il y a toujours une autre île. […] C’est le temps d’un nécessaire retour à la solitude. »

Le Figaro, « Retour à la solitude »,28 novembre 1967.

Rêves

 « Les peuples, comme les hommes, se mesurent à leurs rêves. La France n’est devenue la France que grâce à un certain pouvoir qu’elle eut quelquefois de rêver non pour elle seulement, mais pour tous les hommes […]. » 

La France dans le Monde, op. cit., p. 29, repris in Aventures de l’Esprit, op. cit., pp. 22-23. Texte reproduit sur la plaque commémorative de la rue Pierre-Nicole où habitait Jean Guéhenno.

Révolution

 « Ce n'est pas à l'Université que se fait la Révolution qui ne saurait être seulement, comme semblent l’avoir cru quelques jeunes sociologues, un exercice de travaux pratiques de sociologie. Seuls les besoins vrais et immédiats des hommes la déterminent. » 

Caliban et Prospero, op. cit., p. 21.

« La vraie révolution est pour chacun de nous une affaire tout intérieure. »

Le Monde, « Glorieuses fautes », 4 juillet 1978.

Sagesse

 « Nous ne vivons que pour apprendre que nous sommes toujours volés. Devenir sage n'est que s'habituer à cette atmosphère de déception et de vol. » 

Journal d'un homme de 40 ans, op. cit., p. 29.

Sincérité

 « Mais je crois avoir vérifié que la sincérité n'est jamais qu'un merveilleux effort dont on n'est jamais sûr qu'il aboutisse : on se ment toujours parce que, pour continuer à durer et garder quelque volonté de vivre, pour ne pas tomber à un certain dégoût de soi, il n'est pas possible de se dire tout à soi-même. Il faut quelquefois se mentir. » 

Carnets du vieil écrivain, op. cit., p. 169.

 « J'appelle sincérité la fidélité à soi-même d'un homme qui, s'étant enfin reconnu et, à tort ou à raison, ayant construit son âme sur une certaine règle, s'y tient comme à une sorte d'honneur. Il n’est pas sûr d’abord qu’on souhaite se connaître tout à fait. Aucun homme peut-être n’est capable de supporter toute la vérité sur lui-même. C’est ainsi qu’être sincère n’est pas toujours être vrai. » 

Ce que je crois, op.cit., p.125.

Un petit garçon…

 « Parce qu’un petit garçon a désormais le pouvoir de téléguider sur le bassin des Tuileries son bateau électrique, il n’est pas né pour cela plus malin que Montaigne ou Socrate. » 

Sur le chemin des Hommes, op. cit., p. 201.

La vérité…

« La vérité n'est pas faite pour l'extase et la contemplation. La plus grande idée n'est pas grand-chose tant qu'elle n'ose pas affronter le réel, tant qu’elle ne tombe pas, ne s’incarne pas dans les hommes qu’elle se propose de changer, aussi longtemps qu’elle ne se développe pas en politique. »

"Entretien avec de jeunes journalistes", Les Aventures de l'Esprit, op.cit., p. 235.

La vie mystérieuse

« Dans la médiocrité du temps qui passe…tels beaux  et grands moments, telle action, telle audace, telle image, telle page, d’un livre, telle peinture, telle musique nous assurent que la vie mystérieuse, le secret génie de l’espèce ne cesse jamais son travail. »

Le Monde, « Le secret », 18 janvier 1978.

La vraie culture 

 « La culture vraie n’est qu’une accession aux plus grands problèmes que pose la vie des hommes et un effort pour les résoudre. » 

Sur le chemin des Hommes, op. cit., p. 105.

 « Toute vraie culture n'est qu'intérieure. » 

Ce que je crois, op. cit., p. 184.

Les vrais hommes

 « Je crois, mais ce n'est que croyance, que ce qui définit un homme vrai n'est pas son appartenance à une classe, à un milieu, c'est une impatience profonde de sa condition, un espoir de devenir un jour ce qu'au fond de lui il pense qu'il mérite d'être. » 

Carnets du vieil écrivain, op. cit., pp. 11-12.

La vraie vie

 « Nous rêvons une vie, nous en vivons une autre, mais celle que nous rêvons est la vraie. » 

La Foi difficile, op. cit., p. 10.

 « Nous ne faisons pas la part assez grande à ce que furent nos rêves. Ce sont eux cependant, bien plus que nos actes, qui nous accordent avec le temps et le monde. Notre vraie vie est à leurs couleurs. »

 Changer la vie, op. cit. pp. 18-19.


Aversions « guéhenniennes »


Autorité

 « C'est le secret de toute autorité : refuser ce qu'on vous demande, donner ce qu'on ne vous demande plus, et faire en sorte que tout paraisse le fait du prince. » 

Changer la vie, op. cit., p. 140.

 

Chefs

 « L'espèce qui croit aux chefs m'a toujours paru la plus sotte qui soit entre les espèces humaines. » 

Ce que je crois, op. cit., p. 162.

 

Enseignement moderne

« On ne pense qu’à former des robots utiles et spécialisés. »

Le Monde, « Les hommes profonds », 17 novembre 1977.

 

Ghettos

« Ghetto de la jeunesse, ghetto de la vieillesse ! Est-ce là que nous allons ? Bien vieillir, c’est la grande affaire, pour tout le monde et pour les jeunes eux-mêmes. »

Le Monde, « Ghettos », 15 décembre 1977.

 

Grèves actuelles

 « Les grèves ont changé de caractère. Elles étaient jadis de difficiles et rudes combats pour l’honneur et la dignité de la vie autant que pour le pain. Il s’agit seulement désormais de parvenir à mettre un peu plus de beurre sur le pain. Tant mieux ! Cette transformation de la condition ouvrière a été la plus vraie joie de ma vie. Mais la bataille même fut peut-être plus belle que la victoire. Tout devient affaires. Les secrétaires des syndicats sont des sortes de fonctionnaires, des P.-D.G., aussi habiles, aussi rusés que ceux des sociétés anonymes capitalistes… Je ne suis pas sûr qu’on y ait tout gagné. L’honneur n’est guère à la mode. » 

Dernières lumières, derniers plaisirs, op. cit., p. 14.

 

Hommes avilis

 « Je ne peux supporter de voir des hommes avilis. Un homme ne se construit que sur son courage et par son courage. » 

Journal des années noires, 14 juin 1941, op. cit., p. 122.

 

Philosophes

 « Je n’ai jamais pu me faire le disciple d’aucun d’eux et ne me recommande d’aucun “ isme” mais je les pille tous sans vergogne […] Je leur emprunte à tous ce qui peut m’aider à vivre. » 

Ce que je crois, op. cit., p. 81.

 

Savoir c'est pouvoir 

 « La vieille formule de Bacon, " savoir c'est pouvoir ", a commandé la science moderne, mais il y a un grand péril à pouvoir plus qu'on ne sait. » 

Carnets du vieil écrivain, op. cit., p. 81.

 

« Nous croyons tout savoir “ savoir c’est pouvoir ”. Mais nous en sommes au point que nous pouvons bien plus que nous savons, nous le vérifions chaque fois que nous essayons quelque nouvelle maîtrise, mais cette demi-culture généralisée nous met quelquefois dans une satisfaction un peu sotte. » 

Lycée de Fougères, message à des jeunes gens. Ce message a été écrit par Jean Guéhenno de septembre à octobre 1970, en vue de l’inauguration du lycée … qui n’eut jamais lieu ! Brouillon de lettre, fonds Guéhenno (entre le 25 août et le 12 septembre 1970), BNF, NAF 28297, boîte 35, cahier 23.

 

Retraite

« "Retraite", écrivait Hemingway, "est le mot le plus répugnant de la langue". […] je pense que c’est une grande chance des intellectuels de pouvoir ne la prendre jamais, et j’espère mourir à la besogne. »

Le Monde, « Ghettos », 15 décembre 1977.

 

Trahison

« La vraie trahison est de suivre le monde comme il va et d'employer l'esprit à le justifier Et c'est la trahison la plus aisée, la plus répandue et la plus profitable. » 

Jean Guéhenno, Caliban parle, La Trahison de Prospero, Grasset, 1928, p. 115, même page dans l'édition de 1945, p. 54 dans Caliban parle suivi de Conversion à l'humain, Grasset, 1962.

 

Vanité

 « Jamais tant d’hommes en Europe ne surent lire, et jamais cependant il n’y eu tant de bêtes de troupeau, tant de moutons. Un homme d’autrefois qui ne savait pas lire se sauvait par la méfiance. […] Il pensait seul, ce qui est l’unique manière de penser. Un homme d’aujourd’hui qui a appris à lire, écrire et compter, n’est par rien protégé contre sa vanité. »

Journal des années noires, 17 janvier 1941, op. cit., p. 77.

 

Violence

 « […] Et je n’oublie pas cette promesse que je me suis faite à moi-même, de ne jamais servir la violence. » 

La Part de la France, Éditions du Mt Blanc, 1949, p. 21.

 

 « Aucune violence jamais n'a ajouté à la grandeur des hommes. » 

Ce que je crois, op. cit., p. 70.