Présences de Guéhenno

L’exposition de 2014 organisée par la ville de Fougères avait pour titre : " Jean Guéhenno ? Un homme d’aujourd’hui ! "

Cette rubrique de notre site s'inscrit dans cette conviction : Guéhenno plus que jamais est porteur de questions, de doutes, de réponses, de valeurs pour aujourd'hui, et ne doit pas être enfermé dans la nostalgie complaisante de l'école de la IIIe République. Ce n'est pas par hasard que David Ball, son traducteur américain, a choisi de faire connaître son Journal des années noires. Ce n'est pas par hasard non plus que Guéhenno, moins lu aujourd'hui, apparaît souvent cité, pas seulement par des historiens, mais aussi par des romanciers ou des acteurs de notre société. Changer la vie reste un projet aussi passionnant que celui de la devise républicaine.

Cette rubrique, nous comptons sur vous pour l'alimenter. Envoyez-nous vos contributions (aussi brèves que possible, mais toujours référencées avec précision) en utilisant le formulaire de contact.


Merci aux lecteurs de Guéhenno qui alimentent cette rubrique

Correspondance Chamson-Guéhenno : une mémoire vivante du siècle

 Anne Roche remarque un « travail essentiel pour éclairer les allusions à des événements ou des personnes qui sinon nous resteraient hermétiques, et surtout procurer les contextes historiques décisifs de la période ». Elle souligne que « les lettres et surtout le précieux apparat critique donnent à voir convergences et divergences, celles-là étant sans doute les plus importantes ». Pour conclure : « Micheline Cellier et Guy Sat font beaucoup plus que nous donner à lire ces lettres : par leur dépouillement d'archives, leurs lectures historiennes et littéraires, ils nous permettent précisément de combler tout ce que les textes ne disent pas, ne peuvent dire, et nous restituent ainsi une mémoire vivante du siècle. » (septembre 2024)

  • Europe, n° de juin, juillet, août 2024, p. 347-350

Le Journal des années noires : une référence essentielle

 Eric Alary cite Jean Guéhenno et reprend deux extraits du Journal (p. 138-141) dans un chapitre 4 consacré aux « années noires, années de survie ». La bibliographie sélective en fin de volume cite également le livre. (septembre 2024) 

  • Histoire de la vie quotidienne en France au XXè siècle, sous la direction d'E. Alary, Nouveau Monde éditions, août 2024.

Romain Rolland : édition d’une nouvelle correspondance, avec Gaston Thiesson

 « ...Cette correspondance prend place à un moment charnière de la vie de Rolland. À l’époque de la première rencontre avec le peintre, l’écrivain s’ouvre dans ses Chroniques parisiennes à la peinture et de manière générale à la production culturelle et artistique de la France. (...) Cette correspondance s’inscrit dans un mouvement d’idées où des hommes de même sensibilité se reconnaissent dans le cri lancé par l’auteur de Jean-Christophe contre cette « mêlée sacrilège qui offre le spectacle d’une Europe démente ». 

  • Romain Rolland, Correspondance avec Gaston Thiesson. Un peintre au cœur de la mêlée (1912-1919), éditée et annotée par Roland Roudil, Classiques Garnier, septembre 2024. (septembre 2024)

 Alain, la Grande Guerre, Jaurès…

L’Association des Amis du Musée Alain et de Mortagne vous invite aux 47e Journées Alain les 5 et 6 octobre 2024, à la salle des Fêtes de Mortagne-au-Perche. (septembre 2024)

 Samedi 5 octobre

14 h 30 : Colloque : Alain et la Guerre de 1914

Pierre Heudier, vice-président de l’Association des Amis d’Alain, Le cœur brisé mais l’œil sec : penser la guerre chez Alain ; Thierry Leterre, politologue, professeur de science politique à l’université de Miami ; J.E. Dolibois à Luxembourg, président de l‘Association des Amis d’Alain, Maurice Genevoix, André Pézard, témoins des hommes dans la guerre ; Michel Bernard, écrivain

Concert : Les Musiques de la Grande Guerre, Christophe Maynard, piano d’Alain et Roxane Chalard, soprano

Dimanche 6 octobre 

15h00 : Conférence de Gilles Candar, historien, éditeur des œuvres de Jaurès, président  de la Société d’études jaurésiennes, La méthode Jaurès. Un politique face aux pouvoirs. 

  • Pour plus de détails, voir : https://philosophe-alain.fr/5-et-6-octobre-journees-alain-a-mortagne-au-perche/

 

NOS AMIS

 André Marivin

Un des tout premiers adhérents de notre association, André Marivin, nous a quittés le 14 mars 2024 à l’âge de 92 ans. Rennais d’origine, André Marivin avait un lien particulier avec Fougères en raison du fait que, catholique social, « catho de gauche » comme on disait en ces années-là pour désigner ceux qui avaient rompu avec la vision conservatrice de la doctrine sociale de l’Église, il fut un permanent combatif et efficace de l’union locale de la CFTC, puis de la CFDT.

En 1967, le syndicat avait décidé d’attribuer le nom de Jean Guéhenno à l’une des salles de ses locaux et l’avait invité pour l’inauguration. Cette rencontre ne put avoir lieu. Il reste qu’André Marivin, par cette proposition, établissait une relation importante avec l’employé de l’industrie fougeraise que fut Jean Guéhenno au début du siècle précédent ; et que l’écrivain, de son côté, malgré son parcours personnel qui l’avait éloigné de ses concitoyens, se reconnaissait dans cette longue histoire de la classe ouvrière fougeraise. (Juin 2024)

Israël et la Palestine

Jean-Marie Guéhenno a participé, le 11 mars dernier, à une émission de France Culture, qui peut être réécoutée. (Juin 2024)

LE SIÈCLE DE GUÉHENNO

Guéhenno et son projet de biographie de Lénine

26 octobre 1929

Note dactylographiée et manuscrite envoyée à Guéhenno par la Société des relations culturelles entre l’Union des R.S.S. et l’étranger (section latine) *. Mme Koudacheva (future Marie Romain-Rolland) est récemment revenue d’une visite à Romain Rolland en Suisse et elle a fait état du projet de biographie de Lénine par Guéhenno. La Société des relations culturelles propose, une fois le projet mieux défini, l’envoi de documents en russe sur le sujet. Elle remercie également de l’envoi régulier à Moscou de la revue Europe. Le 18 mai 1929, Guéhenno signalait à un correspondant que son projet était en panne. (Juin 2024)

  • Source : dossier de documents pour la préparation de la biographie de Marie Romain-Rolland par Annie Guéhenno (qui sera remis ultérieurement à la BnF) Information complémentaire : VOKS : son acronyme russe signifie « Société panrusse pour les relations culturelles avec l’étranger » ; organisme créé le 5 avril 1925, il a fonctionné jusqu’en 1957. Dans l’ouvrage, qui donne à lire des documents issus des archives soviétiques, de Sophie Cœuré et Rachel Mazuy, Cousu de fil rouge, voyages des intellectuels français en Union soviétique, CNRS éditions, 2012, il est défini ainsi (p. 38 + les documents présentés dans le chapitre 1 de la première partie : Les structures d’accueil et la préparation du départ) : « La société avait pour objectifs de concourir à l’établissement et au développement de relations culturelles entre les institutions et les organisations soviétiques et étrangères, et de populariser les succès de la Russie soviétique à l’extérieur des frontières. » Entre 1930 et 1939, paraît irrégulièrement une revue titrée O.K.S., disponible sur: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32886573q/date.item

« Humanistes professionnels »

Nadejda Mandelstam, compagne du poète Ossip Mandelstam [disparu au Goulag en 1938, après un poème sur Staline, particulièrement térébrant, qu'il a payé cher bien qu'il n'ait que circulé sous le manteau dans sa forme manuscrite et même, pour l'essentiel oralement, dans des cercles intimes (ce qui en dit long sur la lèpre de la délation, évoque Romain Rolland et Maria Koudacheva, à l'occasion de leur rencontre avec l'homme « dont les doigts épais sont gras comme des asticots ». Nadejda Mandelstam rapporte les souvenirs d'un compagnon de captivité du poète qui, lui, a échappé à la mort (mais pas à la folie, raison pour laquelle elle rapporte ses propos avec prudence) : « Outre sa phobie de la nourriture et son agitation motrice incessante, Kazarnovski avait remarqué une idée fixe caractéristique de Mandelstam : il se berçait de l'illusion que son sort allait être amélioré parce que Romain Rolland écrirait à Staline à son sujet. Ce détail infime n'a pas pu être inventé, et il prouve que Karzanovski a effectivement été en contact avec Mandelstam. Lorsque nous étions à Voronej [lieu de relégation du couple, avant que Mandelstam ne soit envoyé au Goulag en 1938], nous avions lu dans les journaux que Romain Rolland était arrivé à Moscou (juin-juillet 1935) avec sa femme et avait eu un entretien avec Staline. Mandelstam connaissait Maïa Koudacheva, la femme de Romain Rolland, et il disait en soupirant : " Maïa voit pas mal de monde à Moscou. On lui a sans doute parlé de moi. Qu'est-ce que cela lui coûterait de dire un mot à Staline pour qu'il me fasse relâcher ? " Mandelstam ne pouvait pas admettre l'idée que les humanistes professionnels ne s'intéressaient pas aux destins individuels, mais uniquement à l'humanité prise dans son ensemble, et tous ses espoirs s'étaient concentrés sur le nom de Romain Rolland. Pour moi, ce nom me prouve que Karzanovski n'avait pas complètement perdu la mémoire. Quant à Romain Rolland, je dois ajouter pour être juste qu'à son arrivée à Moscou, il semble qu'il ait intercédé en faveur des "linguistes". C'est du moins ce qu'on disait. Mais cela ne change pas mon opinion sur les "humanistes" professionnels. L'humanisme véritable n'a pas de limites, et il se sent concerné par le destin de chaque individu. » (Juin 2024)

  • Contre tout espoir, souvenirs, collection Témoins/Gallimard, 1970, 394-395

Grand nettoyage à Europe en 1935-1936    

  1. Berard, dans le chapitre VI de son livre sur Ehrenbourg, « Écrivain soviétique : du " tableau noir" au " tableau rouge" », évoque la préparation du Congrès international pour la défense de la culture (juin 1935) dont Jean Guéhenno est partie prenante (voir les Cahiers Jean Guéhenno, n°7). Ehrenbourg s’inquiète, au cours d’une conversation téléphonique avec Mikhaïl Koltsov (1898-1940, journaliste et propagandiste soviétique particulièrement en charge des relations avec les intellectuels occidentaux, victime des purges staliniennes), du silence de la presse soviétique à propos de la préparation de ce congrès. Son interlocuteur le rassure, le 5 avril 1935. « Je lui ai répondu, note Koltsov dans un rapport à ses supérieurs, que les camarades doivent d’abord se concentrer et décider de la dimension à donner à la délégation soviétique et de la force que doit prendre sa participation au congrès. Je lui ai dit qu’en ce moment il n’est pas opportun d’annoncer la participation d’une délégation soviétique large. Cela risque de donner dès le début du Congrès une empreinte "moscovite". Il est intempestif d’annoncer une éventuelle arrivée de Gorki. » […] Au lendemain de cette conversation téléphonique, Ehrenbourg s’empresse de rassurer Koltsov : « Malraux est revenu [de Londres] en bonne forme et s’est tout de suite mis au travail. Guéhenno continue à être tiraillé. J’essaye de le convaincre d’aller faire un tour chez nous cet été, cela ne peut que lui être bénéfique. Actuellement, c’est un personnage assez important ici. Chamson reste légèrement "méfiant" à cause de son pacifisme extrême. La revue Europe est nettoyée des trotskystes. Elle va être dorénavant rédigée [sic] par Cassou.» Source : Archive d’État d’Art et de Littérature de Moscou, fonds 1204, pièce n° 668. (Juin 2024)
  • Ewa Berard, La vie tumultueuse d’Ilya Ehrenbourg. Juif, Russe et Soviétique, Collection Documents et essais dirigés par Émile Copfermann, préface d’Efin Etkind, Ramsay, 1991, 183.

 

 

« Quel penseur que ce sauvage ! » (Jaurès)

Alain évoque, dans ces courts textes, « suscités par l’actualité, mais s’efforçant d’éclairer celle-ci, ou quelque sujet que ce soit, par une approche au moins partiellement philosophique », la France d’avant la Grande Guerre… et celle que nous connaissons ; ces propos iconoclastes ont paru dans La Dépêche de Rouen et incitent à découvrir un autre Alain que celui sur lequel on s’est acharné depuis quelques années. Pour réfléchir à l’écart du « prêt-à-penser ». (Juin 2024)

  • Alain, Propos rebelles (1900-1914), sélection inédite de Pierre Heudier, préface d’André Comte-Sponville, postface de P. Heudier, index des thèmes traités, Librio, 87 p., 3 €.

 

 

RECHERCHE UNIVERSITAIRE

Journal des années noires

Le Journal des années noires, recensé dans les Annales par Lucien Febvre en 1948, en même temps qu’À l’ombre de la mort de Léon Halkin et Déposition de Léon Werth, fait l’objet d’une étude attentive et de questions sur les choix, les stratégies peut-être, qui ont présidé à son édition en 1947. « L’histoire du texte, de sa production et de ses réceptions, dont la première, au lendemain de la Libération, permet d’envisager l’œuvre dans le contexte de la « guerre des écrivains » (1940-1953) mais aussi comme un vecteur particulier de la mémoire de la période, de 1947 à nos jours. » (Juin 2024)

  • Abdelhakim Rezgui, « Le journal des années noires revisité », Guerres mondiales et conflits contemporains, 2016/3 (N° 263), p. 35-48.

https://www.cairn.info/revue-guerres-mondiales-et-conflits-contemporains-2016-3-page-35.htm

Chamson et Guéhenno : « se cogner un peu »

La correspondance entre Chamson et Guéhenno, présentée récemment par Guy Sat à nos amis de Fougères lors de notre AG du 30 mars 2024, a fait l’objet d’excellents comptes rendus. La relation n’est pas de tout repos : comme le souligne Gilles Candar, citant leur ancêtre Jaurès « pour bien se comprendre, il faut d’abord se cogner un peu ». (Juin 2024)

 

  • Candar, « André Chamson, Jean Guéhenno, Correspondance 1927-1961, éd. établie, présentée et annotée par Micheline Cellier et Guy Sat, Presses universitaires de Rennes, 2024 », La Revue des revues, n° 71, printemps 2024, p. 128-129.

 

Tagore et la France

Fabien Chartier, qui a pris contact avec Les Amis de Guéhenno parce qu’il s’intéresse aux écrits de Guéhenno sur Tagore, enseigne l’anglais appliqué à l'économie à l’Université de Rennes. Il a professé plusieurs années à Delhi University avant de consacrer sa thèse à la réception de Tagore en Grande-Bretagne et en France, sous-titrée « Genèse d’un mythe et Utilisation d’un symbole ». Auteur de plusieurs articles et livres sur l’Inde (Tagore en particulier), il est l’éditeur d’un ouvrage illustré, paru aux éditions Quarto-Gallimard en 2020, qui présente et contextualise certaines des plus belles œuvres de l'auteur bengali. Depuis quelques années, il a concentré ses recherches sur les rapports entre Tagore et la France, ce qui l'a amené à étudier les intellectuels, écrivains et artistes français de l'entre-deux-guerres, dont nombre d'entre eux ont croisé la route de Tagore à Paris ou à Santiniketan. Il insiste également sur les portées populaire, universelle et atemporelle de Tagore et l’importance de connaître son art (poésie, fiction, peintures, etc.) et reconnaître la clairvoyance de ses messages sociaux, éducatifs et politiques.

 

NOS CAHIERS 9-10  

La Révolution prolétarienne (fondée en 1925 par le syndicaliste Pierre Monatte) a publié en décembre 2023 un compte rendu de notre Cahier Guéhenno 9-10, sous la plume du rédacteur en chef, Stéphane Julien, p. 28. (Mars 2024). Le traducteur américain du Journal des années noires, notre ami David Ball, tient dans cette revue une chronique régulière sur l’actualité sociale et politique aux États-Unis, sa « Lettre d’Amérique ». (Mars 2024)

CAHIERS DES ASSOCIATIONS AMIES

Le poète assassiné il y a 80 ans

De nombreuses et très variées manifestations scandent l’année d’hommage à Max Jacob, mort au camp de Drancy en 1944. Vous en trouverez le détail sur le site des Amis de Max Jacob, à cette adresse : http://max-jacob.com/2024/programme_24.pdf > Patricia Sustrac, avec Alexander Dickow, vient de publier par ailleurs un nouveau et très riche cahier Max Jacob sur les correspondances du poète (avec Bloch, Carco, Céline, Cingria, Clifford Barney, Follain, Limbour, Salmon, entre autres). (Mars 2024)

 

Charles Vildrac

Les Amis de Georges Duhamel et de l’abbaye de Créteil, ont publié leur n° 40, autour de Charles Vildrac, dont les éditions Claire Paulhan ont fait connaître de passionnants mémoires de la Grande Guerre. Pour les grands enfants que nous restons parfois, le poète est aussi associé à l’utopie heureuse de L’Île rose (1924). (Mars 2024)   http://www.duhamel-abbaye-de-creteil.com/les-cahiers-de-labbaye-de-creteil/  

 

GUEHENNO VU PAR…

Thouroude nous signale le portrait de Guéhenno qu’il a remarqué aux p. 184-185, dans le livre de Bruno Demonsais, GAVROCHE. Un hebdomadaire culturel socialiste de la Résistance à la Guerre froide, prés. A. Bergougnioux, préf. P. Ory, L’Harmattan, 2006. « Depuis sa mort en 1978, les historiens réévaluent quelque peu à la hausse son rôle dans l’entre-deux-guerres, montrant en lui un type achevé de l’intellectuel engagé, rattachable à la mouvance socialiste mais ayant toujours manifesté à l’égard de la politique traditionnelle un vieux fonds de méfiance libertaire.» (Mars 2024)

GUÉHENNO, L’HOMME À ABATTRE : DE BERNANOS À BEDEL …

1929 : L’ACTION FRANCAISE ET LE BACHELIER « À TÊTE DE BELETTE »

« On a pu lire dans Les Nouvelles Littéraires, un dialogue inouï entre M. Guéhenno et M. Julien Benda. M. Guéhenno est bachelier, s’en étonne lui-même, et désirerait que tout le monde le fût. « La bourgeoisie, dit-il, a fait du baccalauréat un privilège de classe. » M. Julien Benda ne conteste nullement le droit du peuple aux humanités, il penche seulement à croire que Caliban, même frotté de syntaxe latine, gardera longtemps encore, au fond de son cœur, une préférence secrète pour le film américain. Qu’à cela ne tienne, réplique l’autre, les humanités bourgeoises n’ont d’ailleurs jamais formé que des pédants. Nous ferons nos humanités dans Voltaire, Diderot et Marmontel. Et il y a encore d’Alembert. Quoi de plus humain que d’Alembert, de plus peuple ? Cher ami, réplique tristement Julien Benda, je crains qu’il ne soit réellement plus expédient d’inventer une nouvelle culture à l’usage du prolétariat, dont le prolétariat seul aurait la clef. Sinon, vous n’empêcherez pas les pédants de rire, et il faudra leur couper le cou. […] Ce que veut le bachelier à tête de belette, il le veut bien. Que veut-il ? Appartenir à la classe des maîtres. Et déjà, faute de mieux, il parle au nom de Caliban. […] Nous ne méprisons pas M. Guéhenno. Quand il parle au nom d’un Caliban imaginaire, d’un Caliban de pet-de-loup, nous le savons ridicule. C’est justement ce ridicule qui nous fait peur : il ne nous pardonnera pas le jour venu. […] À supposer qu’une révolution prochaine réussisse à faire de chaque prolétaire un rentier, on le verra peu à peu prendre les goûts d’un homme qui a des loisirs. Le fils, déjà, lira Montaigne de préférence à M. Barbusse. […] Excellent M. Guéhenno, cher garçon. Je ne le crois pas retors ni féroce, et il a gardé, en dépit du baccalauréat, des yeux de  certificat d’études, des yeux d’école buissonnière, des yeux de dénicheurs d’oiseaux. Il grimpe aux idées comme il grimpait jadis aux arbres, en soufflant un peu, et j’aurais tort si je lui reprochais de déchirer parfois sa culotte… Seulement, nous savons trop aussi comment finissent les discussions d’Académie sur la vérité transcendante et la trahison des clercs ! Ainsi que le dit le juif en sa langue, avec une pudeur qui n’est peut-être pas feinte, le petit frisson prophétique de la terreur et du plaisir, « la subversion de l’ordre reste l’appétition centrale de Caliban » ».  

  • Georges Bernanos, Le juif et le bachelier, L’Action Française, n° 66, 7 mars1929 (extraits)

 

  1. Angelier commente en ces termes l’attaque de Bernanos contre Julien Benda et Jean Guéhenno, qui s’inscrit dans une campagne contre Les Nouvelles Littéraires: « Cet article à la gouaille antisémite et ravageuse permet surtout à Bernanos de condamner sans recours l’intellectuel populiste, toujours sur le point d’être dépassé par la crue sanglante d’une révolution qui le porte plus qu’il ne la mène et dont il ne maîtrise pathétiquement ni les acteurs ni le cours. » Bernanos, la colère et la grâce, Seuil, 2021 (extrait du chapitre 7, p. 204-205). (Mars 2024)

1932 PARTIS POLITIQUES : SI L’ESSENTIEL EST AILLEURS ?

Gilles Candar nous a communiqué cette réaction de Guéhenno à une enquête lancée auprès de quelques intellectuels (Jean-Richard Bloch, A. Spire, etc.) par L'Étudiant socialiste, mensuel de langue française de l'Internationale des étudiants socialistes (sections belge, française et suisse) : Pourquoi n'adhérez-vous pas à un parti révolutionnaire ? « Tant que l'unité ouvrière ne sera pas refaite, je doute que je m'inscrive à un parti politique. Je serai au parti qui la refera. »

  • L'Étudiant socialiste, mars 1932, p. 1 (Mars 2024)

1936 : GUÉHENNO, GRILLON EN CHEF, DANS LE VISEUR DE MAURICE BEDEL

« Le peuple français dans son jardin doit se défendre, non seulement contre les renards, les fouines et les blaireaux des bois voisins, mais encore contre les taupes de son propre sol. Et vous devinez que j'entends par taupes, ces colporteurs d'idéologies qui sapent la vieille terre française, qui s'y creusent des galeries dont le point de sortie s'ouvre tantôt dans la salle de classe d'une école publique, tantôt dans les ateliers d'une cité industrielle, tantôt entre deux lames de parquet d'un salon mondain du quartier de la Muette. Il faut nous arrêter à ce travail souterrain : il est pour beaucoup dans la formation du volcan  sur lequel, en ce moment, nous nous trouvons assis. Y participent les taupes de l'idéologie marxiste, les courtilières de l'internationalisme, les rats des comités et les grillons, des foyers intellectuels. […] »   Au nombre des grillons, le conférencier cite Jean Guéhenno, le seul auquel il s’en prend par son nom :   « ... sous la croûte volcanique dont la chaleur commence à nous cuire, strident les grillons des foyers, des foyers intellectuels. Vous avez deviné que ces grillons qui chantent, ce sont les poètes des temps futurs. Ils vont chercher les couplets de leurs chants dans un pays de steppes, glacial en hiver, brûlant en été, eux qui sont nés sous le ciel de l’Île-de-France ou dans la molle douceur de l'Anjou. Ils disent, ces grillons de chez nous, qu'il n'est de bonheur possible qu'aux rives du Dniepr, dans le bruit de turbines d'un barrage colossal, qu'au vent de la plaine russe dont la plainte se mêle à celle des paysans, aujourd'hui comme hier les plus misérables de l'Europe. Ils sont du pays de La Fontaine, de Racine, de Lamartine et ils célèbrent la terre à betteraves de je ne sais quelle Ukraine; ils sont de la race des Ronsard, des Fénelon, des Musset, et voici les accents qui les transportent quand ils chantent le pays de leurs rêves, de leurs désirs […] Et s'adressant aux habitants de ce paradis, voici ce qu'ils, disent : « Ce qui limite notre désespoir et ce qui nous rend courage, c'est que vous existez. Ah ! vous ne savez pas ce que nous vous devons, la joie qu'il y a à savoir que ce dont on rêve n'est pas un Eldorado, mais une terre réelle, habitée par des hommes réels, là-bas, si près de nous, au bout de l'Europe, et dont nous pouvons chaque jour voir sur les écrans les images vivantes et les champs florissants. » Je crois que le cinéma est pour beaucoup dans l'enthousiasme de ce grillon de France, qui, dans sa forme humaine, s'appelle M. Jean Guéhenno. En quel temps vivons-nous! Voilà un homme qui n'ignore certainement pas les grasses et verdoyantes campagnes du Nivernais, les coteaux vineux de la Bourgogne, les terres abondantes du Perche ; voilà un homme qui a goûté sûrement la douceur des soirs d'été aux terrasses de la Loire ou aux lisières des forêts de l'Eure, qui a assisté à l'éveil du printemps dans ces étroits jardins de la banlieue des villes où les pruniers, après les imprudents amandiers et les impatients pêchers, épanouissent d'un coup leurs bouquets, où les lilas et les seringas tournent la tête aux plus raisonnables ; bref, un homme qui habite le plus beau jardin de l'Europe, au dire des voyageurs. Et il s'en va chercher l'Eldorado dans les terres noires et monotones de la Volhynie et de la Podolie ! Et il soupire, et il tend les mains à cet humus incapable de nourrir un poirier producteur de Beurré d'Amanlis, de faire lever des melons cantaloups et d'épanouir des roses France ! . »

  • La Revue Hebdomadaire (14 mars 1936) publie ce texte d’une conférence prononcée le 28 février 1936 à la Société des conférences par Maurice Bedel (1883-1954) sous le titre : « Nous vivons dangereusement, mais nous vivons. » Le site RetroNews (Gallica BNF) présente ainsi La Revue Hebdomadaire : « revue littéraire fondée en 1892 par l’écrivain Fernand Laudet. Le poète Félix Jeantet en a été le rédacteur en chef. Wladimir d’Ormesson, Paul Reynaud et Gustave Fagniez y ont collaboré. La revue cesse de paraître en 1939, après avoir glissé vers le fascisme tout en conservant une ligne germanophobe. » (Mars 2024)

VIE DE NOTRE SOCIÉTÉ  

Montolieu se souvient

L’association Respirer en Montagne noire, en partenariat avec l’association du village du livre de Montolieu et la commune de Montolieu, a présenté les Cahiers de la Montagne noire (n°7) le 21 octobre dernier dans la maison et le jardin de Jeanne Maurel et Jean Guéhenno, à l’invitation de Jeanne Étoré-Lortholary, petite-fille de l’écrivain. Notre ami « guéhenniste » Jean-Luc Chambault avait adapté pour une séance de lectures sa contribution aux Cahiers de la Montagne noire 7, intitulée : « Jean Guéhenno à Montolieu, un roi en sabots dans la Montagne noire », ainsi que celle de Jeanne Étoré-Lortholary, qui rend hommage à sa grand-mère, Jeanne Maurel, publiée dans les Cahiers Guéhenno 9-10 : « La tempérance : une femme, une guerre, un seul amour. » Jeanne Étoré-Lortholary et Jean-Luc Chambault (sur la photo, dans la bibliothèque de Guéhenno, avec François Roussiau qui nous représentait) se sont partagé les lectures, en compagnie de deux récitants, devant une assistance de plus de soixante personnes. Anne Alquier, soprano, a offert une pause musicale avec sa très belle interprétation a cappella d’Après un rêve de Gabriel Fauré. Jean-Luc avait invité quatre étudiants en Master cinéma de l’École Nationale Supérieure d’Audiovisuel  à Castres : ils ont assuré une captation vidéo de la séance et ont réalisé un petit film que nous mettons en ligne sur notre site Internet (voir ci-dessous) Comme l’a dit notre ami Jean-Luc à propos de Jean Guéhenno : la rigueur n’empêche pas l’amour, dont l’humaniste était rempli autant que de pudeur, au point de n’avouer qu’à la fin de sa vie : « C’est l’amour qui nous aide à traverser la vie […] On passe d’amour en amour. On craint et on s’accuse d’être infidèle. Mais c’est toujours au fond la même force et le même besoin d’amour, le même amour recommencé. » Dernières lumières, derniers plaisirs, Grasset, 1977. (Décembre 2023)   Sur « L’ariste » et L’Individualisme aristocratique, textes de Palante choisis et présentés par Michel Onfray, Les Belles Lettres, 1995. « Ni Palante, ni Jean Guéhenno dans son étonnant et méconnu Changer la vie (1961), ni Marcel Conche dans son Épicure en Corrèze n’ont fui leur singularité et leur solitude. Par leur handicap social initial (parfois un handicap physique, ou un état valétudinaire peuvent jouer un rôle analogue, comme on peut le lire chez Hermann Hesse et chez Thomas Mann), ils se sont trouvés séparés des autres, et ainsi confiés à eux-mêmes, à la solitude de leur volonté. Significativement d’ailleurs, à des degrés divers et sous des angles divers, ces trois auteurs ont pu aimer quelque chose de la figure de Nietzsche. » (Juin 2023)

  • Cit. in Jean-Pierre Richard, écartades. Bibliographie pour un Dauphin, aux éditions Isidore d’Avon, mars 2023, p. 46.

 Les visages de Guéhenno  Le site d’Ent’Revues (Le journal des revues culturelles) vient de publier un compte rendu de notre dernier Cahier Guéhenno (9-10). Son auteur, Bernard Baillaud, est le président de la Société des lecteurs de Jean Paulhan et l’éditeur de ses œuvres complètes chez Gallimard. Il vient de publier Baudelaire à la campagne. Une amitié littéraire : Charles Baudelaire & Auguste Poulet-Malassis. (Décembre 2023)

 Les Cahiers Jean Guéhenno à l’honneur   La Fondation Khôra-Institut de France a accordé une subvention importante à notre association, afin de l’aider à couvrir les frais de publication de nos Cahiers ainsi que ceux des souvenirs d’Annie Guéhenno sur Marie Romain-Rolland. C’est la deuxième fois que cette institution reconnaît notre travail et nous témoigne sa confiance. (Décembre 2023)   Les amis et lecteurs de Guéhenno publient Jean-Claude Thiriet-Martel, spécialiste de Malaparte, collaborateur régulier de La Voce degli Italiani in Francia, vient de faire paraître aux éditions Conférence Égrener ces jours, poème-journal sur l’entrée dans la Grande Guerre de son grand-oncle, Raymond Grizou, disparu en 1968. Grizou était un vigneron des Corbières, militant socialiste depuis son plus jeune âge et ardent défenseur du mouvement coopératif. (Décembre 2023)

Elizabeth Brunazzi est co-éditrice d’une anthologie trilingue de la poésie contemporaine haïtienne, This Land, My Beloved/ Tè mwen renmen an, Yon antoloji trileng pwezi ayisyen kontanporen/Cette Terre, mon amour, chez Trilingual Press, Cambridge, Massachusetts, États-Unis. Le livre regroupe quarante-trois contributions, et sa parution a coïncidé avec l’hommage rendu en France à Toussaint Louverture ainsi qu’aux poètes des Caraïbes lors du dernier Marché de la Poésie. Y participent entre autres Louis-Philippe Dalembert, auteur de Milwaukee Blues. (Décembre 2023)

Hommage à l’ANALIV  Mme Line Chicot qui a quitté Fougères et vit à présent dans les Côtes d’Armor, a pris récemment contact avec notre association. Elle se souvient avec émotion et reconnaissance de l’action de Michel Philippe, grâce auquel elle a découvert l’œuvre de Guéhenno : « J'ai eu la chance de travailler sur ses écrits au sein de l’Association nationale du Livre vivant. En novembre 1988, nous avons joué La Mort des autres à I'Espace Juliette Drouet, spectacle qui faisait aussi la part belle à Péguy, Apollinaire, Romains. En mars 1990, également à l'Espace Juliette Drouet, nous avons joué pour le centenaire de la naissance de Guéhenno Le plus humble des Européens. Enfin, en juillet 1990, nous avons représenté au château Le Journal des années noires, toujours mis en scène par Michel Philippe. Mon travail m’a obligée à quitter Fougères, sans oublier bien sûr, toutes les éditions Grasset de Jean Guéhenno qui m'ont été offertes à mon départ. Je pioche souvent dans ces livres et j'aime partager les convictions de ce grand Monsieur, la simplicité et I ‘honnêteté de son écriture. » (Décembre 2023)  JOURNAUX, REVUES ET RADIO DANS LE SOMBRE MONDE D’AVANT LES RÉseaux SOCIAUX : UN FLORILÈGE  TSF : La voix de Guéhenno en 1954 Parler en prose et le savoir - Entretiens avec Jean Guéhenno, 1 (1ère diffusion : 5 janvier 1954, Chaîne Nationale) Les Nuits de France Culture, durée : 35 min. – A. Penaranda, P. Sipriot, avec J. Guéhenno lectures J. Mercure (Juin 2023)

Romain Rolland et Stefan Zweig, 30 ans d'amitié Avec les voix de J. Guéhenno et R. Rolland (Archives INA), une heure de lecture par Guillaume Gallienne, 29 avril 2017 (Juin 2023)

Guerre froide et calomnies en 1952  Dans le numéro 41 de La Nouvelle critique (1er décembre 1952), article de Georges Cogniot : « Nos perspectives de travail idéologique après le XIXe congrès du P.C. de l’U.R.S.S. ». L’auteur se livre à une attaque particulièrement calomnieuse contre Jean Guéhenno. Après un paragraphe saluant l’apport théorique à la doctrine marxiste-léniniste de Staline, selon qui,  « les hommes commencent à être maîtres de leur propre histoire », il écrit : « Un Guéhenno (*) se lamente hypocritement dans la presse des milliardaires : « Je souhaite que finisse la dictature du prolétariat, selon la promesse de Marx, selon l’espérance de Lénine. » Mais la dictature du prolétariat a tenu la promesse de Marx et Staline, a accompli l’espérance de Lénine : l’homme est libre! La liberté de l’homme socialiste, l’humanisme marxiste, quel thème exaltant pour nos philosophes, nos historiens, nos juristes, nos pédagogues ! » (*) C’est ce M. Guéhenno qui, inspectant récemment une classe de latin où l’on expliquait un passage des Catilinaires a exposé aux élèves que les « comploteurs » communistes d’aujourd’hui méritaient, tout comme Catilina, la mort. Ce trait de férocité manquait au personnage du « libéral » ennemi des « dictatures ». » (Juin 2023)  Nizan et l’authentique littérature révolutionnaire en 1932 Nizan s’efforce – après avoir donné une définition de ce qu’est, selon lui, une vraie révolution prolétarienne – de séparer le bon grain de l’ivraie en matière de littérature révolutionnaire qu’il distingue radicalement de la littérature dite prolétarienne, de la littérature populiste ou de celle de la gauche humaniste. Après avoir souligné que « la culture est réservée aux fils de la bourgeoisie : quand un fils d’ouvrier, par hasard, l’acquiert, il sert à justifier le Régime et l’ignorance de tous ses frères : presque toujours, d’ailleurs, la culture lui fait trahir sa classe », Paul Nizan met en question ceux qu’il appelle les « révolutionnaires d’intention », catégorie dans laquelle il classe Jean Guéhenno. « Il y a ensuite les révolutionnaires d’intention qui sont tentés par la Révolution mais n’osent faire le dernier pas. C’est là le lieu où flottent dans une ombre traversée d’inquiétude les écrivains petits bourgeois qui doutent du destin de leur classe, que les puissances impérialistes révoltent, mais qui n’osent franchir la distance qui les sépare encore de la masse révolutionnaire. Ce sont des hommes de bonne volonté, mais tant de préjugés les retiennent encore, tant de prudence, de timidité enfin devant le contact rude des ouvriers révolutionnaires. On trouvera là des penseurs dégoûtés des trahisons socialistes, du flot de bêtise radicale et de combinaisons profitables qui submerge un parti qui put s’enorgueillir autrefois d’un Jaurès ou de l’homme admirable que fut Lucien Herr. Ils sont confusément avertis que le destin les emporte vers la Révolution et l’ombre du plan quinquennal leur apporte des espoirs nouveaux. Mais de vieux rêves de transformation spirituelle les enchaînent encore. Ils viennent de toutes les régions de l’esprit : je veux ranger dans ce groupes des bonnes volontés impuissantes, des hommes divers, des hommes comme Guéhenno et Bloch, comme la plupart des collaborateurs d’Europe, des hommes comme Berl et Malraux, des hommes venus de tout autres régions comme Bourgeois, Tristan Rémy, Henry Poulaille, qui ont perdu en arrivant à la vie littéraire la simplicité, la force révolutionnaire prolétarienne, comme Dabit que son plus secret mouvement pousse vers la Révolution mais que mille liens, mille scrupules formels retiennent dans un monde littéraire, moins clair et moins précis, comme Werth, et d’autres. »

  • Paul Nizan, « La littérature révolutionnaire en France », Revue des Vivants, organe des générations de la guerre, directeur Henry de Jouvenel, n° 9-10, septembre-octobre 1932. (Décembre 2023)

 Le couteau de Charlotte Corday et le sens de l’humour chez Maurras en 1936  « Le Populaire reproduit avec une présentation soignée un article de M. Jean Guéhenno paru à Vendredi. Le collaborateur du tandem Gide-Maritain tremble d'une indignation délirante en face de « l'abjection de ces hommes qui faisant profession de nationalisme intégral... »,etc. L' « attentat » contre Blum — car naturellement il écrit « attentat », et qui sait? il le croit peut-être — a complètement tourneboulé la cervelle de M. Guéhenno : J'ai sous les yeux, écrit-il, le dernier article de M. Maurras. Comment dire le dégoût qu'il soulève? M. Maurras a sur sa table le couteau de Charlotte Corday, le couteau qui tua Marat, l'Ami du Peuple. Il s'en vante. Les jours de sécheresse et d'atonie, quand l'inspiration lui manque, quand les sophismes et les ordures ne viennent plus assez vite au bout de sa plume remplir les trois colonnes que chaque jour il doit faire sous lui, c'est ce couteau qu'il contemple. Ce couteau, c'est sa muse à lui. C'est l’Égérie de ce Numa sourd. Il a avec lui d'ineffables colloques. En passant son pouce sur la lame, il sent en lui se réveiller la haine, l'enthousiasme grandir. » Etc., etc. Ainsi, ce mot ironique de Maurras « Le couteau de Charlotte Corday », en montrant au juge le «couteau de cuisine » dont l'Action française a conté l'histoire, ce Guéhenno l'a pris au sérieux... Il a marché, le pauvre! Il marche contre Maurras, il marche pour Blum, pour ses vertus... M. Guéhenno se croit terrible. Quel innocent. »

  • « Revue de presse », L’Action Française, 19 février 1936. (Décembre 2023)

Epuration incomplète ? Vichy encore un effort ! Paris, 1942 Se référant à des propos de Pétain « qui ne cesse de donner à la jeunesse de France les directives les plus lucides », le journaliste passe en revue différentes associations corporatives étudiantes et critique vivement celles qui ne mettent pas en œuvre les directives du maréchal, comme, par exemple « la Maison des Lettres, dont le responsable professe […] une vive admiration pour le revenant Guéhenno, l’un des plus effroyables cornichons qui aient mariné dans le bain du Front populaire et le plus bel ornement de feu la Maison de la Culture avec le juif Jean-Richard Bloch. Militant fanatique de Léon Blum, M. Guéhenno a donc obtenu récemment un poste de professeur dans un lycée de Paris et, à ses moments perdus, il anime la Maison des Lettres, en penseur modeste qui ne dédaigne pas la coulisse. Son fumeux jargon a envahi tout l’étage… »

  • Henri Poulain, « Les étudiants sont-ils abandonnés ? À la recherche de la communauté et du chef, choses vues par Henri Poulain » (deuxième volet d’une enquête sur le Quartier latin), Je Suis Partout, 31 janvier 1942. Cette diatribe est reprise dans le troisième volet de l’enquête, 7 février 1942 : « Ici [La Maison des Lettres] je l’ai dit, préside M. Guéhenno, sorti d’une tout autre maison, celle de la Culture, enjuivée jusqu’à l’os... » (Décembre 2023)

Le Pain des rêves de Louis Guilloux, Prix du roman populiste en 1942 « M. Louis Guilloux a voulu romancer des souvenirs d’enfance. Il appartient, avec les Giono et les Guéhenno, au groupe d’écrivains « prolétariens » que M. Daniel Halévy aida à naître à la littérature dans l’entre-deux-guerres. Je lui vois moins de valeur qu’à ceux que je viens de nommer. Ses revendications d’enfant malheureux du peuple n’ont pas l’accent passionné de celles de Guéhenno, mais, dans Le Pain des rêves, un ton d’ironie un peu étroite, qui me paraît mal correspondre au drame social de notre siècle. Quant à ses souvenirs de gamin pauvre, leur étoffe remplit mal l’étendue de trois cents pages in-octavo. »

  • André Rousseaux, Le Figaro, 6 juin 1942. (Décembre 2023)

« Ce Guilloux première manière mérite l’étiquette de romancier prolétarien. Il respire parmi ses humbles personnages et prend à sa charge toute leur détresse. Mais cette générosité ne va pas sans un sentimentalisme un peu lourd, voisin de la complainte, qui évoque parfois un Guéhenno romancier. »

  • L’Effort, 6 juin 1942.

Transclasses « En littérature, l’œuvre majeure reste celle d’Annie Ernaux, mais d’autres romanciers s’en étaient emparés bien plus tôt : Jules Vallès, Charles Péguy, Jack London, Louis Guilloux, Jean Guéhenno, Albert Camus, Albert Memmi ont écrit sur leur passage des frontières sociales. Ce qui est récent, en revanche, c’est la forte médiatisation et l’écho rencontré par ces récits depuis une quinzaine d’années. » (Octobre 2023)

  • Paul Pasquali, « S’autoriser à parler de soi, à écrire et à publier prend du temps », Le Monde, 24 octobre 2021. Lire aussi dans le même numéro Séverin Graveleau et Marine Miller, « Le paradoxe des ‘‘transclasses’’, héros malgré eux. Les récits de « coming out social » se multiplient, mais masquent la réalité d’un système toujours peu inclusif ». Signalons également un article qui incite à prendre quelque distance critique, celui de Guillemette Faure, « Les transfuges imaginaires », Le Monde, 15 octobre 2022. Voir aussi notre Cahier Guéhenno 9-10.

Romain Rolland : Les États-Unis et nous… en 1926 « …Par le fait de leur puissant développement économique et des ruines de la guerre, les États-Unis ont une situation privilégiée. […] Même s’ils ne le veulent point ; ils sont -̶ ils seront poussés à empiéter dans la vie politique et sociale d'une partie de l'humanité. Cela leur crée des devoirs encore supérieurs à leur droit. […] Le tempérament anglo-saxon d'Amérique est fier et fort entier dans ses penchants et dans ces conceptions, avec assurance et raideur. Il a une inaptitude singulière  ̶  qui nous frappe tous, Européens  ̶  à comprendre la mentalité des autres races à pénétrer leur psychologie et leur physiologie, à « chausser », comme on dit, leur âme, leurs passions, leurs besoins propres. Il a tendance à croire que ce qui est vrai pour lui, que ce qui est le bien pour lui, doit l'être pour tous les autres peuples de la terre ; et que si ceux-ci n'en jugent pas ainsi, ce sont eux qui se trompent, et que l'Amérique a le droit de le leur imposer, dans l'intérêt du monde et dans leur intérêt propre. Une telle conception mène à la volonté de conquête du monde, sous le couvert d'un moralisme étroit, conjugué (à son insu) avec d’avides instincts naturels de domination. Rien n'est plus redoutable. Plus les États-Unis sont appelés à agir sur le monde, plus ils ont le devoir de comprendre la vraie nature, les vrais besoins, les vrais idéaux des autres peuples du monde : car le devoir du fort est d'aider le moins fort à se réaliser, et non pas de l'opprimer, en l'obligeant à mentir à son âme. […] Il est donc essentiel qu'à cette heure de l'histoire, il se trouve    ̶ non pas au dehors de l'Amérique (ils lui seraient des conseillers suspects)  ̶  mais au cœur même des États-Unis, des citoyens lucides et courageux, qui soient les phares de leur peuple, qui le contraignent à se connaître soi-même, grandeurs et faiblesses, vertus et manques, et à connaître les individualités différentes les qualités complémentaires des autres races… » (Octobre 2023)

  • Romain Rolland, Quinze ans de combat (1919-1934), Rieder, 1935, chapitre X, 10 septembre 1926. (Le texte dont nous publions un extrait vient d’un « Avertissement à l’Amérique », écrit pour un livre de témoignages offert à John Haynes Homes (1879-1964) à l’occasion de son cinquantenaire. Le destinataire était un célèbre pasteur unitarien, fondateur de deux organisations importantes aux États-Unis : l’American Civil Liberties Union (ACLU/ Union américaine pour les libertés civiles) et la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP/ Association nationale pour la promotion des personnes de couleur). R. Rolland utilise le mot « race » dans un sens qui n’a aucun rapport avec les racismes des 19e et 20e siècles. « Ensemble de personnes qui présentent des caractères communs dus à l'histoire, à une communauté, actuelle ou passée, de langue, de civilisation sans référence biologique dûment fondée », indique le Trésor de la Langue française informatisé, qui donne pour synonyme le mot « peuple ». http://www.atilf.fr/tlfi, ATILF - CNRS & Université de Lorraine.

Le dandysme des tranchées Dans notre cahier 5, nous avons rendu compte de l’ouvrage important de Nicolas Mariot, Tous unis dans la tranchée ? 1914-1918, les intellectuels rencontrent le peuple. Signalons l’article de Romain Ducoulombier, « Le dandysme des tranchées : l’expérience de guerre et la genèse du groupe surréaliste ». L’auteur s’attache à étudier des parcours très différents de celui de Guéhenno, ceux de Breton, d’Aragon, Vaché, Drieu, entre autres. Mépris du « peuple » ordinaire et « isolement […], situation sociale typique de la bourgeoisie intellectuelle au front », ce qui ne l’empêche pas de faire aussi preuve de courage. (Octobre 2023)

  • Cahiers Jaurès n° 239-240, janvier-juin 2021, p. 41-57.

Jaurès sur tous les fronts  Impossible de résumer un Cahier Jaurès : sa richesse est toujours infinie. Choisissons alors le compte rendu de Penser dans la mêlée (1907-1910), tome 12 de ses œuvres complètes chez Fayard en 2020, avec l’analyse de la « faillite de Clemenceau […], l’homme qui couvre du pavillon du radicalisme le conservatisme social ». Jaurès pense à la grève des terrassiers et carriers de Draveil, en 1908 (huit morts parmi les manifestants) et à celle des postiers de 1909 (plusieurs centaines de mises à pied chez les fonctionnaires). Autre compte rendu à signaler, celui sur « l’affaire Dreyfus ouvrière », à propos du livre de Marc Hedrich, L’Affaire Jules Durand. Quand l’erreur judiciaire devient crime, Michalon, 2020. Condamné à mort par la cour d’Assises de Rouen, le leader syndical du Havre sera réhabilité par la cour de Cassation en 1918. Là encore, Jaurès sera au premier rang des défenseurs de la victime d’une manipulation facilitée par une « justice de classe ». (Alfred Dreyfus a signé la pétition nationale pour la révision du procès.) (Octobre 2023) 

  • Cahiers Jaurès, Lectures, janvier-juin 2022, n° 243-244, p. 5-17 et p. 24-30

 Témoin, c’est déjà très beau ! Roger-Pierre lecteur de Guéhenno  « J'ai entendu l'essayiste français Jean Guéhenno dire en 1946, lors d'une conférence :  - C'en est assez de tous ‘‘ces gens qui écrivent’’ et qui se dénomment écrivains !... Allons, soyons raisonnables, des écrivains, il n'y en a, en France, que deux ou trois par siècle !... Oui, me direz-vous, le XIXe siècle a été très riche en littérature... Alors, disons pour celui-là, cinq !... Mais pour l'an 2000, à la fin, si on arrive à en compter deux, ce ne sera pas mal ! On lui pose alors cette question : - Mais alors, comment devons-nous appeler tous ‘‘ces gens qui écrivent’’ ? Des auteurs ? - Oui, si vous voulez, parce qu'ils ne sont que des témoins ! On écrit ! On témoigne et, si on témoigne, c'est déjà très beau. Toutes ces paroles m'ont rassuré ! Je respire ! Puisque je ne suis pas un écrivain, je veux bien être un témoin ! Je regarde, j'écoute, je me mêle, je retiens, je consigne... Et je signe : ROGER-PIERRE. » (Octobre 2023) 

  • Trouvé par Guy Sat à la 1ère page du livre de souvenirs de l'humoriste Roger-Pierre (1923-2010) : Tel qui rit vendredi... Au hasard de ma vie d'artiste, Albin Michel, 2001.

La dent dure du duc Ghislain de Diesbach, dans ses portraits anecdotiques, écrit, en évoquant le duc de Castries : « Ses flèches étaient piquantes ; ainsi il avait envoyé un de ses livres à Jean Guéhenno, qu'il n'aimait pas, avec cette dédicace : À Jean Guéhenno, qui doit tout à ses amis et s'en souvient si peu. » (Octobre 2023)

  • Le goût d'autrui, Via Romana, 2010 (transmis par Alain Feutry).

Une récompense qui nous honore L’édition de la correspondance entre Jean Guéhenno et André Chamson, qui va être bientôt publiée par les Presses universitaires de Rennes, vient d’être récompensée par la Fondation La Poste d’une subvention importante. Cette reconnaissance, venant d’une organisation prestigieuse, est un hommage à la qualité du travail de Micheline Cellier et de Guy Sat, dont Les Amis de Jean Guéhenno ne peuvent que se réjouir. (Mars 2023) Les déportés de Fougères Du 1er avril au 8 mai 2022, le cinéma Le Club et la Ville de Fougères, ont proposé plusieurs rendez-vous pour honorer la mémoire des victimes juives fougeraises, arrêtées et déportées. Le Club a présenté une exposition conçue en partenariat avec les Archives municipales, La Shoah, pour ne pas oublier, reprenant l’histoire de chacun des Juifs arrêtés à Fougères entre 1941 et 1943, ainsi que l’histoire générale des déportations dans la France occupée. Six cents personnes se sont déplacées pour entendre les lectures, pour voir les différents films, écouter une conférence, et visiter l’exposition, ainsi que pour l’inauguration d’une plaque en mémoire des Juifs déportés. Sur un panneau de l’exposition présentée au Club, figurait une citation de Jean Guéhenno : « 9 mai 1941. Hier, au nom de la loi française, cinq mille Juifs ont été conduits dans des camps de concentration. Pauvres Juifs venus de Pologne, d’Autriche, de Tchécoslovaquie, gens misérables de petits métiers qui mettaient en grand péril l’État. Cela s’appelle “épurer”. Rue Compans, plusieurs hommes ont été emmenés. Leurs femmes, leurs enfants suppliaient les policiers, criaient, pleuraient… Le petit peuple parisien qui assistait à ces scènes déchirantes était plein de révolte et de honte. » Jean Guéhenno, Journal des années noires (1947), Gallimard Folio, 2014, p. 156. (Mars 2023. Une version plus détaillée de l’événement figure aussi sur notre site.)

  • Ventes de Je vous écris d’Europe et du Journal des années noires

L’OURS, coéditeur du premier livre, en a vendu 33 exemplaires (et envoyé une dizaine comme services de presse, sans résultat). Il reste 3 exemplaires en stock. Il y a encore 1 035 exemplaires du Journal chez Gallimard.   Guéhenno, pacifiste, amoureux de la nation, révulsé par le nationalisme Notre ami Daniel Huby nous a transmis ces extraits d’un livre de Jean Daniel : « Grand résistant dès 1940 par amour de la nation, il avait été un grand pacifiste dès après la guerre qu'il a faite en 1914. Célébrant le cinquantenaire de la guerre de 14 en publiant La Mort des autres, Guéhenno écrivait : ‘‘ Il est clair désormais depuis longtemps que nos camarades ne sont morts que parce que l'histoire est souvent bête et criminelle et ce cinquantenaire ne peut être que la commémoration de la sottise et du crime.’’ Comblé d'honneurs universitaires et sociaux, l'académicien Guéhenno, se voulant à la fois héritier de Rousseau et de Michelet, n'a jamais cru que la guerre « trempait les âmes ». Il n'a jamais pensé que la patrie se nourrissait du sang de ses enfants et qu'il convenait d'étancher  régulièrement cette horrible soif, d'où son amour de la nation et son aversion pour le nationalisme. [ …] La « grande lueur à l'Est » que Jules Romains devait saluer dans Les Hommes de bonne volonté et qui établissait un pont entre 1917 et 1789, c'était dans une certaine mesure le retour du sens et la justification d'une certaine forme de guerre, celle de la violence révolutionnaire. Le second événement, c'était bien sûr, en plein Front populaire, les nuées annonciatrices des orages nazi et fasciste, qui pouvaient restituer, elles aussi, un sens à une autre forme de guerre, celle de la résistance à la barbarie. Ainsi, il était donc des maux pires que la guerre elle-même ? Oui, il fallait bien y consentir. Il fallait bien admettre que l'esprit munichois, c'était peut-être aussi une barbarie par défaut, une horreur en creux, par complaisance molle – bref, un choix de la vie aux dépens des raisons de vivre. C'est ce que disait la Pasionaria au cœur de la guerre d'Espagne : ‘‘Plutôt mourir debout que vivre à genoux.’’ Jean Guéhenno lui rendit hommage. Son ami Giono aussitôt le renia. » (Mars 2023)

  • Jean Daniel, Voyage au bout de la nation, Le Seuil, 1995, p. 23-24.

Jaurès, le « monopoleur » C’est le surnom que lui donna Clemenceau, qui polémiqua aussi avec lui à propos de la place de l’enseignement privé, surtout catholique, en France. Mélanie Fabre, auteure d’une thèse sur l’histoire du Collège Sévigné, institution privée laïque, où fut instruite la fille du leader socialiste (avant qu’elle n’entrât au lycée Molière), où enseigna Guéhenno sous l’Occupation, évoque dans un article très riche les nuances et les différentes étapes de la pensée de Jaurès, entre la grande peur suscitée par l’Eglise catholique au moment de l’Affaire Dreyfus et la loi de 1904 sur les congrégations enseignantes, préalable à la Séparation de 1905. Son étude couvre en fait plus largement la période de 1886 à 1913, moment où d’autres urgences requièrent l’attention. Une conviction commune avec celles de Guéhenno : « La culture bourgeoise doit être accessible au peuple pour assurer son émancipation actuelle et sociale. […] La connaissance professionnelle, technique ne peut à elle seule créer toute une société. » Jaurès estime aussi qu’une réforme de l’Ecole publique doit précéder toute discussion sur le monopole et qu’un financement généreux doit lui être assuré. Pas question non plus d’imposer une idéologie officielle et de refuser aux enseignants le droit de mettre en cause un ordre injuste, même qualifié de « républicain ». (Mars 2023)

  • Fabre, « Le « monopoleur » Jaurès, la gauche et l’enseignement privé », Cahiers Jaurès, 242, décembre 2021, p. 39-64.

Barrès et Maurras   On a republié à la fin du siècle dernier sous le titre « La culture des masses ou le titre refusé » une conférence de Louis Aragon en 1946. Ce texte est présenté ainsi : « "En cette année du dixième anniversaire de la mort de Louis Aragon, nous reproduisons ici la plus grande partie de la conférence que celui-ci a prononcée le 28 novembre 1946 dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne sous les auspices de l'UNESCO. Ce texte porte fortement la marque de son époque. Celle de l'immédiat après-guerre. La façon dont l'auteur y traite des questions de la culture et de celles de la nation, dont il les prend dans leur lien intime, n'en ont que plus d'actualité aujourd'hui. Publiée une première fois en 1947 dans le recueil La culture et les hommes, Editions sociales, Paris, 1947, cette conférence a été récemment rééditée dans Aragon, L'œuvre poétique, tome IV. 1942-1952, Livre Club Diderot, Paris, 1990, p.767-795. » À la suite d’un développement sur le nationalisme, Aragon évoque Jean Guéhenno : « L'horreur du nationalisme va si loin que même mon ami, Jean Guéhenno, qui, pourtant, est comme moi un admirateur de Michelet, en arrive à confondre dans une même phrase Barrès et Maurras, alors qu'on souhaiterait qu'un écrivain français, même résolument antinationaliste, ne se permette pas de comparer un grand écrivain mort, qui peut avoir été un adversaire politique, mais qui n'a jamais trahi la France, avec un traître patenté, qui a échappé au poteau pour des raisons qui m'échappent. » (Mars 2023)

  • La Pensée, 1er mai 1992

  Fonds Guéhenno de la BnF (Département des manuscrits) : des rectifications récentes   Notre ami Patrick Bachelier, venu consulter ce fonds en novembre 2022, a demandé à sa conservatrice, Mme Anaïs Dupuy-Olivier, le reclassement de certaines pièces, qui a été effectué. En voici le détail : Dans le Fonds Guéhenno NAF 28297/72, Grapard–Guillouet, il convient de rectifier les classements de ces documents : 1 – lettre de Pierre-Marie Champion, à classer dans la boîte 63 Chambrin-Chevron ; 2 - Guéhenno, André et Guéhenno Renée 1944-1962, 13f., à classer dans la boîte 87 Rioult-Rolland ; en fait, il s’agit de Rioult André (1888, Sanvic, Seine-Inférieure-1972, Nice) et de Renée Champion, ép. Rioult (1895, Fougères-1981, Nice). Renée Champion était la fille d’Esther Girou (1868, St-Germain-en-Coglès-1926, St-Sauveur-des-Landes) et de Pierre-Marie Champion (1887, Tinténiac - ?) ; Esther Girou était la sœur d’Angélique Girou (1866-1931), mère de Marcel (dit Jean) Guéhenno ; 3 – lettre d’Anne-Marie [Rocher, ép. Lemercier Joseph], à classer dans la boîte 78 Lelièvre-Loison. Dans le Fonds Guéhenno NAF 28297/91, Tichepoil, Germaine, cousine de Guéhenno, correspond en fait à Germaine Girou (1887, Fougères-1911, Vitré), mariée à Alfred Fichepoil (1888, Fougères-1952, Vitré), à classer dans la boîte 69 F.-Forget. (Mars 2023)   L’autogestion, c’est pas de la tarte ! (Seuil, 1978) Guéhenno a consacré une chronique enthousiaste au livre d’entretiens de Marcel Mermoz avec Jean-Marie Domenach (ancien élève de Guéhenno), dans Le Monde du 21 juin 1978. Ce livre, dédicacé à Guéhenno, sur la vitalité et les désillusions de l’utopie communautaire, destinée à remplacer l’exploitation capitaliste, évoque la rencontre de Mermoz avec l’écrivain (p. 43, 187, 200), le choc créé par Caliban parle, mais aussi la personnalité de Marcel Barbu, l’amitié avec Panaït Istrati, la coopérative ouvrière de Boimondau. Certaines pages ont mal vieilli au cours du dernier demi-siècle et l’on peut comprendre que Mermoz, malgré son engagement, son courage et son désintéressement, son idéalisme, ait suscité des hostilités durables. Il reste ce que l’on peut appeler une personnalité « emblématique ». Domenach a raison de remarquer dans sa préface : « Mais les hommes, comme les nations, valent d’abord par leurs contradictions, ou plutôt par ce qu’ils en font. » (Mars 2023)

Les Veillées des Chaumières publie une lettre de Guilloux à Guéhenno

Valérie Dufils reprend une lettre de Guilloux, publiée en 1982 dans la revue Plein Chant d’Edmond Thomas. Extrait de ce beau texte où l’auteur s’interroge sur ce que son grand-père cordonnier a laissé de lui : « Après tout l’homme cultivé c’est peut-être celui qui sait se taire, et quand il s’agit de nous – de toi et de moi – celui qui sait renoncer aux œuvres. » (Mars 2022)

  • Les Veillées des Chaumières, n° 3516, 26 janvier 2022, p. 32-33

Jean Guéhenno au théâtre, avec Les Tréteaux de France

Les Tréteaux de France ont programmé dans le cadre de la manifestation « L’Ile de France fête le théâtre » trois lectures musicales de Changer la vie. Ces lectures-spectacles d’environ une heure ont eu lieu en juillet et août 2021. Robin Renucci, directeur des Tréteaux de France a interprété le texte dans une adaptation d’Évelyne Loew. Le synopsis était le suivant :

« Jean Guéhenno traverse le XXe siècle, fidèle à son origine ouvrière et à son idéal humaniste. Son enfance est marquée par les grandes grèves qui ont lieu autour de 1900. ll a 24 ans quand il est appelé à la guerre de 1914-1918 et 49 ans quand éclate la Seconde Guerre mondiale. Pacifiste, grande figure de la lutte antifasciste, résistant, enseignant, passionné par la culture, à la Libération il est chargé de lancer la direction de la culture populaire et des mouvements de jeunesse. En 1962 le voilà élu à l'Académie française. Avec sensibilité et humour il raconte dans Changer la vie son parcours d'enfance et de jeunesse : les rencontres et les découvertes qui ont changé sa vie. Et celle des autres ! » (Mars 2022)

L’édition résistante

« Le Silence de la mer, une édition dans la Résistance » : ce documentaire réalisé par Nadine Lermite, 55 minutes, 2021, diffusé le 19 novembre 2021, traite de la création des Éditions de Minuit par Pierre de Lescure et Jean Bruller (Vercors). Une aventure risquée pour tous ceux qui ont participé à la fabrication et à la distribution du Silence, imprimeurs, brocheuses, intermédiaires nécessaires à la circulation du livre, dans un pays sous surveillance. Cette incroyable « traversée de Paris » dresse un tableau peu connu du monde littéraire sous l'Occupation. (Mars 2022)

Censure ou simple refus de revenir à la vie d’avant ? L’épuration des intellectuels

Lors d’une réunion houleuse du CNE (Comité National des Ecrivains) en octobre 1944, Paulhan s’est opposé à l’interdiction de publier qui frappe quelque 150 écrivains, aux responsabilités très diverses. M. Noël fait remarquer qu’il n’était pas dans les intentions des membres du CNE d’interdire à des confrères de publier, qu’ils affirmaient seulement leur volonté de ne pas apparaître à leurs côtés dans des journaux ou des catalogues, mais que les éditeurs avaient considéré la fameuse liste comme une liste de proscription et l’appliquaient. Il relate les propos de Paulhan, indigné, ceux de Guéhenno aussi, remarquant que des opportunistes moins talentueux  ont profité du vide ainsi créé. (Mars 2022)

  • Maurice Noël, « On parle de dédouanement chez les écrivains. Montherlant, Jouhandeau, Giono, Chardonne vont-ils retrouver la liberté de publier en France ? », Les Dernières Dépêches de Dijon, 14 janvier 1947, accessible sur RetroNews.

Guéhenno vu par Jean Daniel

Jean Daniel évoque Léon Blum et Guéhenno dans Réconcilier la France. Il rappelle l’opposition déterminée des élites au pouvoir en Angleterre à toute aide à l’Espagne républicaine, Churchill menaçant Blum de soutenir Franco si la France intervenait, Chamberlain se réjouissant que Bolcheviks, fascistes et nazis s’exterminent entre eux. De Guéhenno, il décrit son « amour de la nation et son aversion pour le nationalisme ». (Mars 2022)

  • J. Daniel, Réconcilier la France. Une histoire vécue de la nation, édité par Benoît Kanabus, préface d’Emmanuel Macron, L’Observatoire, 2021, p. 23-25

Lille, juillet 1923 : aucune contradiction entre le service de l’humanité et le service du pays

Le Grand Écho du Nord de la France du 15 juillet rend compte de la distribution des prix au lycée Faidherbe à Lille. Le journaliste rapporte le propos tenu par un jeune professeur, Jean Guéhenno :

« M. Guéhenno, professeur de première, prononce alors  le discours d’usage. Il montre l’émotion qui étreint  maîtres et grands élèves à cette heure où ils vont se séparer. « Ce n’est pas sans une grande tristesse que nous voyons partir ceux que nous avons formés pour devenir désormais des hommes dans toute l’acception du terme. Quelle sera votre destinée ? C’est cet angoissant incertain des temps et des choses qui rend notre pensée plus sombre, à nous professeurs qui vous aimons, à cette heure où vous allez aborder « la lutte pour la vie ». » L’éminent professeur donne quelques conseils amicaux et paternels à ses enfants d’hier, à ces hommes d’aujourd’hui. « Soyez bons, généreux. Dépensez vos forces et vos facultés pour le bonheur du prochain. Soyez utiles à l’humanité. Vous aurez ainsi maintenu la prospérité de la Nation et bien servi votre pays. » Un tonnerre d’applaudissements salue cette péroraison que chacun comprend plus avec son cœur qu’avec ses oreilles... » (Mars 2022)

L’ami Louis Brun chez Grasset…

La vente de la bibliothèque de Louis Brun, qui a secondé Grasset pendant 32 ans, a été un événement parisien. Un catalogue récent présente une très belle édition du Journal d’une « Révolution » (1939), comportant un autographe signé de Guéhenno :

« à Louis Brun, à qui je sais gré de tout ce qu'il a fait pour ce livre le Journal d'une « Révolution », avec toute l'amitié d'un fanatique scrupuleux. J. Guéhenno. » (Mars 2022)

Karel Capek et la honte de Munich

En octobre 1938 Guéhenno s’associe à R. Allendy, Aragon, G. Bernanos, J. Decour, R. Desnos, G. Duhamel, P. Langevin, A. Petitjean, R. Rolland, J. Romains, E. Thomas, E. Triolet, C. Vildrac, pour demander que le prix Nobel de littérature soit attribué à Karel Capek. (Mars 2022)

  • Jacques Decour, « Les écrivains français ont demandé le prix Nobel pour Karel Capek », Commune, décembre 1938, p. 1844-1850. Les propos de Montherlant et de Paulhan, expliquant pourquoi ils refusent de signer l’appel (pour des raisons très différentes) sont rapportés.

Procès de Moscou : Aragon contre la renarderie (renarder : se comporter en renard, déployer des ruses, d’après le TLFi)

Le numéro 43 (mars 1937) de Commune, la revue de l’A.E.A.R. (Association des Écrivains et Artistes Révolutionnaires) publie un dossier sur les procès de Moscou (série de procès organisés par Joseph Staline pour éliminer ses rivaux politiques entre août 1936 et mars 1938).

Sous le titre « Vérités élémentaires », le poète et romancier communiste Aragon, se livre à une très vive défense de l’URSS stalinienne et attaque les intellectuels français, dont certains compagnons de route du parti communiste, qui ont dénoncé cette procédure inquisitoriale. Parmi eux, Jean Guéhenno, en raison de l’article qu’il a publié dans Vendredi du 5 février 1937 (à la suite d’un premier beaucoup plus complaisant, Vendredi du 16 octobre 1936, dans lequel il refusait de prendre position) sous le titre : « Les procès de Moscou, la mort inutile ». Aragon écrit :

« Voilà la conséquence des passions ‘’anti-staliniennes’’ de ces messieurs. Ils se font aujourd’hui les défenseurs, croient-ils, dans le meilleur des cas, d’hommes qu’ils veulent encore considérer comme des révolutionnaires, en fait ils sont les avocats d’Hitler et de la Gestapo. Je dis ceci nommément pour Jean Guéhenno, qui a publié, dans Vendredi, un article dont je veux croire qu’il aura honte un jour. »

Par ailleurs, dans la suite du même numéro, plusieurs pages, sous le titre : « Le procès de Moscou, une belle équipe de renarderie », sont consacrées à réfuter l’argumentation développée par Guéhenno dans son article. (Mars 2022)

Pour la défense de l’Éthiopie : 4 octobre 1935

Le 3 octobre 1935, l'armée de l'Italie fasciste envahit l’Éthiopie. Le 4 octobre, la presse française de droite et d'extrême droite publie le Manifeste des intellectuels français pour la défense de l'Occident et la paix en Europe qui soutient cette invasion. Le 5, après la tenue, la veille, des premières assises des Intellectuels pour la Défense de la Culture à la Maison de la Mutualité à Paris, Le Populaire, organe du Parti socialiste, écrit que « les intellectuels fascistes ont été condamnés sans appel ». Dans Candide du 7 novembre 1935 (consultable sur Gallica), Georges Blond, qui collaborera sous l’Occupation à Je Suis Partout, rend compte de cette réunion ; il brocarde à plaisir les orateurs qui se succèdent au micro, dont Jean Guéhenno (Mars 2022) :

« Je n'avais jamais vu ni entendu M. Guéhenno. Je souhaite ne plus jamais le voir ni l'entendre. Cette marionnette blanche et noire comme suspendue à un fil  fait sûrement tourner le lait aux nourrices . Il a la voix d'une pie. »

Mars 1931, Paul Langevin et Guéhenno à Abbeville : La paix, « un acte de foi » risqué

Le Progrès de la Somme du 9 mars 1931 rend compte d’une conférence du professeur au Collège de France Paul Langevin consacrée à la gravité de la guerre des gaz, aux dangers effroyables qui menacent la population en cas d’offensive avant de conclure par un appel pour la suppression des guerres. La parole est donnée ensuite à Jean Guéhenno en sa qualité de représentant de la Ligue de l’enseignement. Le journaliste écrit :

« Visiblement ému, il remercie de son remarquable exposé le professeur Langevin.

« Vous êtes un homme qui honore la France, dit-il, un de ces savants qui ont voulu nous donner l’horreur de la guerre.

Vous ne voulez pas que les intellectuels ajoutent à la violence du monde ; leur fonction est de faire la paix. La paix de l’Europe est un acte de foi, c’est un acte de foi qu’il nous faut faire. Je sais tous le risques qu’il comporte, mais il est nécessaire que quelqu’un commence. »

M. Guéhenno, après avoir déclaré que nous sommes un peuple profondément pacifiste préconise alors la Fédération européenne.

« L’influence exercée spirituellement au XVIIIe siècle par la France, dit-il a été immense Cette influence, nous sommes capables de l’exercer encore à la condition d’être capables de préférer à nous-mêmes quelque chose de plus grand que nous : l’œuvre de paix. » » (Mars 2022)

Les pense-petit

Il est possible de commémorer le sacrifice de millions de jeunes morts pendant la Grande Guerre, tout en réfléchissant aux mécanismes qui ont rendu possible ce sacrifice et aux responsabilités de  ceux qui l’ont mis en œuvre. Tel est le sens d’un article récent de François-Xavier Lefranc. (Décembre 2022)

  • « La guerre des pense-petit », Ouest France, 11 novembre 2022

Paulhan et Guéhenno

Leur relation est évoquée à travers quelques extraits de journaux personnels, de lettres, dans le site consacré par Pierre Choffé à Jean Paulhan, site ami et complémentaire de celui de la Société des lecteurs de Jean Paulhan. (Décembre 2022)

  • https://jean-paulhan.fr/auteurs/jean-guehenno

L’Agrégation salue notre dernier cahier

Le bulletin de la Société des agrégés a publié une note de Michel Pichelin sur notre cahier n° 8. Elle rend compte de son contenu mais évoque aussi utilement le parcours et l’œuvre de Guéhenno en général, dont le souvenir s’estompe dans des milieux enseignants que bouleversent de nouveaux défis. (Décembre 2022)

  • L’Agrégation, n° 511, avril-juin 2022, p. 39-40.

Salon de la Revue, Paris, Les Blancs-Manteaux 15-16 octobre 2022

Comme chaque année, nous partagions notre stand avec la Société des lecteurs de Jean Paulhan et les éditions Claire Paulhan. Très fréquenté (ou achalandé), le Salon de la Revue est l’occasion d’aller à la rencontre de nouveaux publics. Les ventes sont peu importantes mais c’est l’occasion de contacts intéressants et de rencontres avec d’autres associations de lecteurs qui partagent nos passions. Merci à Didier Déleris, Jacques Thouroude, François Roussiau qui se sont relayés au cours de ces deux journées. (Décembre 2022)

« L’impitoyable aujourd’hui »

« […] L’écrivain Jean Guéhenno […] en juillet 1937, procédant à un examen de conscience face à la montée du nazisme, remet en question ses convictions antibellicistes. Il faut, perçoit-il dans le tumulte de son présent, penser « les engagements qu’exige de nous l’impitoyable aujourd’hui ».

L’auteure se réfère probablement à son article de Vendredi, « Examen de conscience, l’Espagne et l’Europe » (9 juillet 1937). (Décembre 2022)

  • E. Maurot, « Résilience littéraire » [sur L’impitoyable aujourd’hui, d’Emmanuelle Loyer, Flammarion, 2022], La Croix, 29 septembre 2022.

Changer la vie, un spectacle de Robin Renucci à Marseille

Cette lecture musicale a eu lieu le samedi 17 septembre, au théâtre de La Criée. (Décembre 2022)

 Alexandre Saintin publie Le Vertige nazi

L’on connaît les « voyages extraordinaires » des intellectuels français (et occidentaux) dans l’URSS de Staline entre les deux guerres mondiales. Une URSS d’où ils revenaient le plus souvent porteurs de la bonne parole, à quelques cas exceptionnels près dont le plus célèbre est celui de Gide.

Alexandre Saintin a pris pour objet de sa recherche les nombreux voyages d’intellectuels français à la rencontre de l’Allemagne nazie. Des intellectuels qui, s’exprimant dans la presse à grand tirage, ont certainement alerté ou préparé l’opinion française à de grands changements. Les uns se sont attachés à dénoncer la propagande de la nouvelle barbarie, les autres, fascinés par le modèle nazi, rêvaient d’une France rajeunie et dure à l’image de l’Allemagne ou d’une régénération nationale originale. Qu’ont-ils réellement publié, entre 1933 et l’Épuration, quels étaient aussi les enjeux de carrière pour eux ? (Juin 2022)

L’auteur a publié dans notre Cahier Guéhenno n° 5 (2015) une étude sur « Les lettres françaises en voyage : voir et dire l’Italie fasciste et l’Allemagne nazie » (p. 19-38), https://issuu.com/amisjeanguehenno/docs/cahiers-jean-guehenno-numero-5 

  • Le Vertige nazi, préface de Pascal Ory, Passés composés, 2022, 320 p.

Montaigne par temps de guerre

Cette étude américaine s’attache aux lectures de Montaigne par Zweig, Guéhenno et Mauriac pendant la Seconde Guerre mondiale. Alors que le scepticisme de l’essayiste et sa volonté de préserver son « moi » apparaissent suspects chez les démocrates dans l’Europe en proie aux mouvements autoritaires des années trente, le dogmatisme forcené qu’impose la guerre redonne toute son actualité à la liberté de l’individu. Comme à son enracinement dans des valeurs universelles qui dépassent les frontières.

Montaigne offre d’abord la possibilité à Guéhenno de se nettoyer des miasmes de la propagande ; ensuite, de retrouver le langage de l’indépendance de l’esprit face aux puissants et les valeurs de liberté qui vont avec ; enseigner Montaigne, le donner en exemple, enfin, c’est s’engager dans une démarche qui incite à rompre avec le nouvel ordre, à lui résister. Ce n’est pas seulement se réfugier dans un monde différent (ce que D. Brunstetter appelle escapism), même si tout commence par une évasion intérieure.

La guerre ébranle les identité sur lesquelles nous nous construisons ou sommes construits, catholicisme pour Mauriac, pacifisme pour Guéhenno, appartenance à la judaïté et à la vieille Autriche pour Zweig. Elle nous amène à les éprouver et à retrouver le sens d’une fidélité ennemie du conformisme. Du moins à nous engager à ne pas lui céder. (Juin 2022)

  • Daniel R. Brunstetter University of California, Irvine, E.-U., ‘‘What reading Montaigne during the Second World War can teach us about just war’’, JIPT (Journal of International Political Theory), 1–20, 2022

Benda et le rapprochement franco-allemand à la veille de la Deuxième Guerre mondiale

Julien Benda, dans un article brillant, explique pourquoi un rapprochement entre intellectuels des deux pays est alors impossible et impliquerait une défaite de la démocratie française. « Vous ne mordrez pas sur les Allemands. Parce que leur mépris pour vos valeurs de liberté et de raison — mépris que leur prêchent depuis cent ans les Schlegel, les Mommsen, les Sybel, les Treitschtke, voire les Nietzsche — atteint aujourd'hui à un degré de conscience et de perfection dont vous ne semblez pas vous douter. » Autre remarque, très actuelle (à replacer dans le contexte des Accords de Munich) : il faut « distinguer […] : l'intérêt de la paix et l’intérêt de la civilisation. L’un n’implique pas du tout nécessairement l’autre. Une nouvelle guerre, dit-on couramment, serait la fin de la civilisation. Sans doute. Mais sachons voir que la civilisation pourrait également périr par la paix, si la paix se faisait par l’hégémonie dans le monde de conceptions qui sont proprement la négation de la civilisation. » Il ne renonce pas à décocher une flèche à Guéhenno, auquel plusieurs polémiques l’ont opposé depuis une dizaine d’années, en s’attaquant au « nietzschéisme, dont l’embrassement par toute une France n’a jamais été plus violent, et dans les partis les plus différents, depuis M. Thierry Maulnier jusqu’à M. Guéhenno […]. » (Juin 2022)

  • « La civilisation pourrait périr aussi par une certaine paix », L’Europe nouvelle, 31 décembre 1938

La petite guerre de Brasillach (en attendant la vraie) contre l’équipe de Vendredi

Robert Brasillach s’en prend aux intellectuels partisans du Front populaire qui écrivent dans Vendredi, « le plus grand hebdomadaire russe de langue française », et, parmi eux, à Guéhenno, « le pion chahuté, grimaçant dans sa moustache humide », le clown « la poitrine ouverte pour montrer son cœur qui bat [et qui] récite déjà en lui-même son prochain discours de distribution des prix », « l’ Édouard Herriot de la politique, le clown larmoyant le plus pittoresque de l’équipe ».

Si le polémiste nous arrache parfois un sourire nerveux, difficile d’oublier qu’il commenta en ces mots la célèbre déclaration de Mgr Saliège, archevêque de Toulouse : « Il faut se séparer des juifs en bloc et ne pas garder les petits. L’humanité commande ici la sagesse… » (Juin 2022)

  • « Vendredi et sa famille. André Chamson », L’Assaut, 20 octobre 1936, p. 6
  • « Vendredi et sa famille », L’Assaut, 13 octobre 1936, p. 6
  • « Vendredi et sa famille. La fin des humoristes», L’Assaut, 3 novembre 1936, p. 6
  • « Une dictature des pions », Je suis partout, 24 septembre 1937, p. 7
  • In Je suis partout, 25 septembre 1942 (le procureur Reboul interprétera cette phrase comme favorable aux juifs lors du procès Brasillach…)

Journaux intimes : « La partie immergée de l’iceberg Littérature »

L’éditrice Claire Paulhan a prononcé sous ce titre une conférence, le 8 février 2022, au Collège de France, dans le cadre du séminaire de William Marx « À la recherche des œuvres perdues ». Elle y a évoqué le Journal des années noires. (Juin 2022)

Lucien Haudebert (1877-1963), compositeur majeur du vingtième siècle 

 Pourquoi en parler ici ? Nous ignorons s’il a été en relation avec Jean Guéhenno mais les chemins des deux hommes, au-delà de leurs origines sociales, ont pu se croiser. Héritier de l’usine de chaussures Pitois-Haudebert (185 ouvriers en 1901, voir http://patrimoine.bzh/gertrude), Lucien préfère, avec le soutien chaleureux de son épouse, Mary, se consacrer à la musique. Éprouvé durement par la Grande Guerre, il est en contact avec Romain Rolland – sa correspondance avec le couple a été éditée par Nathalie Guyader et publiée par l’université de Brest en 1998 – dont le pacifisme l’inspire. Rolland lui suggère le titre de son hommage aux disparus, Dieu vainqueur ; il met en musique un drame de jeunesse de l’écrivain, Saint Louis. Célèbre et reconnu, interprété à la radio, il entreprend à la veille de la Deuxième Guerre mondiale une tournée de Bretagne, dont il rapporte entre autres La Forêt de Brocéliande, Le Château de Fougères. C’est encore à Fougères qu’il dédie l’une de ses dernières compositions, La Marche de Fougères (1956).

Une association de ses amis vient de se créer à Fougères (voir La Chronique républicaine du 23 avril 2021) et elle a déjà préparé une fiche biographique détaillée ainsi qu’un état des longues relations du compositeur avec Rolland. Un concert est prévu en avril 2022, en l’église Saint-Léonard, où il prit ses premières leçons d’orgue. (Décembre 2021)

  • Les amis de de Lucien Haudebert (Christophe Gervais et Françoise Chérel, responsables), 22 Bd Saint Germain, 35300 Fougères amisdelucienhaudebert@gmail.com

Rolland à Istrati : « Une fois pour toutes, retirez-vous de l’action ! »

Leur correspondance fait l’objet d’une étude précise et critique (cruelle pour Rolland) dans la passionnante revue Quizinzinli. L’univers messacquien. En 1980, Marie Rolland écrit encore à l’occasion du colloque Istrati de la Sorbonne : « Qui est ce Panaït Istrati qui ose juger Romain ? Il n’a pas été l’ami de mon mari. Romain lui avait appris à écrire ! C’est tout ! Quant à la « Correspondance », je ne suis pas d’accord qu’elle soit publiée intégralement. Je ne veux pas donner du pain aux gauchistes français pour qu’ils détruisent Romain. »

Nous reviendrons sur cette correspondance, soit dans un prochain cahier, soit dans cette rubrique. (Décembre 2021)

  • Noëlle Renard, « Istrati-Rolland : une affaire de publication », Quizinzinli, n°43, automne 2020, p. 23-25 [sur P. Istrati-R. Rolland, Correspondance 1919-1935, prés. D. Léraut et J. Rière, Gallimard, 2019]

Mission du bibliothécaire

« On lit trop, sans aucun effort, et l’homme s’habitue aux innombrables idées offertes dans les livres et les journaux, lesquelles ont déjà formaté l’individu moyen, qui ne remet plus en question ce qu’il lit, condition indispensable à une véritable assimilation. C’est là la conséquence la plus grave, la plus négative apportée par le livre. Il convient donc d’y consacrer […] notre dernier effort d’attention. Une grande partie des problèmes publics qui se posent aujourd’hui proviennent de ce que les cerveaux moyens sont remplis d’idées reçues, d’idées à moitié comprises et à peine sorties de leur abstraction originelle. Ces cerveaux sont donc encombrés, par inertie, de pseudo-idées. Sachant cela, j’imagine le bibliothécaire de l’avenir tel un filtre, placé entre l’homme et le torrent de livres qui paraissent. » (Décembre 2021)

  • José Ortega y Gasset, La Mission du bibliothécaire, Allia, 2021 (cit. in La Révolution prolétarienne, décembre 2021).

Sur la lettre ouverte de Guéhenno à André Gide dans Vendredi du 17 décembre 1937

« Je crois avec Guéhenno, quoi que l’on puisse penser de lui par ailleurs, qu’il te manque vraiment le sens de l’engagement amical – et c’est moi qui le crois, je tiens à l’ajouter aussitôt, qui jamais ne fus comblé comme je le suis encore par toi, qui pense qu’il n’est personne plus désintéressée que toi. […] L’amitié, chez toi, se suffit à elle-même, l’être n’étant qu’un prétexte, que champ d’exercice à ton activité émotionnelle. […] Et si peu tu as l’habitude de t’engager vraiment que, si d’aventure cela t’arrive, ton mouvement porte à faux. Cf. ton adhésion au communisme. » (Décembre 2021)

  • Jean Malaquais à André Gide, Correspondance 1935-1950, prés. P. Masson et G. Millot-Nakach, Phébus, 2000, 20 juin 1939, p. 81-82

Giono et ses illusions

« Giono se fait de sacrées illusions avec sa grève sur le tas – je veux dire sur la terre. Pourquoi faut-il qu’il se mêle de refaire le monde, celui-là ? La vanité des littérateurs est vraiment sans bornes. Comme si d’écrire ses belles épopées ne nous suffisait pas ! (Au reste, dans les conversations que j’ai eues avec lui, il a consenti qu’il est très porté à idéaliser son paysan ; et qu’au fond les remèdes qu’il préconise sont inopérants à l’échelle sociale, ne pouvant en dernière analyse, que fournir des solutions exclusivement individuelles. Par ailleurs, il est d’une férocité toute romantique pour quiconque n’est pas son  paysan.) » (Décembre 2021)

  • Jean Malaquais à André Gide, Correspondance 1935-19506 décembre 1940, p. 140-141.

Daniel Halévy : Pays parisiens

Notre ami Guy Sat projette une publication de la correspondance entre Guéhenno et Halévy. Les lecteurs familiers de l’œuvre de Guéhenno connaissent à la fois l’appui généreux offert par Halévy à Guéhenno après la Grande Guerre et leur rupture, douloureuse, après la publication du Journal des années noires. Cette rupture suivait une prise de distance progressive que le Front populaire avait renforcée. 

Pays parisiens n’est pas seulement le récit passionnant de l’enfance et de la jeunesse de Halévy : le regard que l’homme mûr jette sur son passé nous permet à plusieurs reprises de comprendre à quel point, en dépit d’une volonté tout à fait sincère de se respecter, d’apprendre l’un de l’autre, Guéhenno et lui ne pouvaient que s’éloigner. La description de la vie d’un savetier, observé de la fenêtre, aux pages 154-158, donne certaines clés : « […], toujours frappant, toujours limant, toujours tirant les fils. C’était donc cela, ce pouvait être cela, la vie d’un homme ? […] Qu’une vie pût s’écouler, ainsi, captive, rendue esclave par des besognes, je ne pouvais le comprendre. » Mais tout le livre, jusqu’à l’évocation du quartier juif du cimetière de Montmartre, où Halévy souhaite rejoindre les siens (p. 274-276), éveille des échos, incite à relire l’histoire complexe d’une rupture. (Décembre 2021)

  • Daniel Halévy, Pays parisiens, préf. Jean-Pierre Halévy, Grasset, 1932, rep. in Les Cahiers Rouges, 2000.

Canada

« J’espère être un modèle pour tous les jeunes. Pour moi, l’éducation est un levier social extraordinaire, et ce, peu importe d’où on vient, qu’on vienne des régions, de l’Afrique, de l’Asie, de Montréal-Nord ou de Longueuil », observe Frantz Saintellemy. originaire d’Haïti et nouveau chancelier, à 48 ans, de l’université de Montréal. (Décembre 2021)

  • Marie-Eve Morasse, « Frantz Saintellemy - Spécialiste des microprocesseurs et… chancelier de l’UdeM », La Presse, 1er octobre 2021.

Jean Guéhenno assiste à un concert de La Pléiade

Sous l’Occupation, il assiste à l’un des concerts organisés par Gallimard (entre 1942 et 1947). C’est la seule fois où il est mentionné ; un peu pour faire couleur locale parce qu’il n’intéresse pas l’auteur, dans le « roman » de M. Benoît-Jeannin, consacré surtout au monde de l’éditeur Robert Denoël (Dominique Rolin, Céline, Aragon et Triolet, Artaud, Jeanne Loviton). Livre étrange, mal relu, qui tient du collage de documents authentiques, de la fiction, de la réflexion sur les pouvoirs de l’édition et de la littérature dans ce qui est improprement appelé un « âge d’or », Brouillards de guerre se lit, reconnaissons-le, avec une facilité, un plaisir voyeuriste, dont on se sent un peu coupable. On en sort ébloui par la diversité immense des lectures de l’auteur, son talent de conteur, un peu étourdi aussi comme par un tour sur un manège fou par un jour de grand brouillard (expérience rare). (Décembre 2021)

  • Maxime Benoît-Jeannin, Brouillards de guerre, Bruxelles, Samsa, 2017.

Définir le professeur…

« Le souvenir de l’effort est toujours un souvenir heureux et l’on sourit aux anciennes misères vaincues. […]. Il faut mener un homme, tout homme, jusqu’à lui-même et lui apprendre à se construire […]. Je définirai un professeur un homme qui pense mieux devant les autres, avec les autres et pour les autres, que seul et pour lui seul. »

Jean Guéhenno, lauréat de l’agrégation des lettres (1920), Ce que je crois, 1964. (Décembre 2021)

  • Citation figurant sur la quatrième de couverture de l’Agrégation, n° 508, juillet-septembre 2021.

Jean Guéhenno pédagogue

Dans le chapitre introductif de son étude consacrée à la lecture sous l’occupation, Jacques Cantier souligne « l’importance accordée à la lecture dans les différents niveaux d’enseignement de la Troisième République. Outil fondamental des processus de formation, elle donne accès à un corpus de textes de référence sources de sens et de valeurs à partager. » Il rappelle par ailleurs que les enseignants sont notamment évalués sur leur capacité à préparer leurs élèves à l’exercice de l’explication de texte. Pour illustrer son propos, il s’appuie sur deux rapports d’inspection concernant Jean Guéhenno. Il écrit : « En 1920, lors de sa première inspection, au lycée de Douai, Jean Guéhenno est décrit comme un jeune enseignant ardent mais encore inexpérimenté qui, lors d’une explication d’un extrait des Provinciales, apparaît étonné par l’ignorance historique de ses élèves et se laisse aller à trop de digressions. Ses défauts de jeunesse se corrigent rapidement et, l’année suivante, l’inspecteur note une explication « très serrée et précise » d’un texte de La Bruyère et une active participation de la classe. L’inspection de 1935, effectuée dans la classe de khâgne du lycée Lakanal de Sceaux décrit un maître possédant désormais les ficelles du métier : « J’ai assisté à une explication préparée de la fameuse lettre de Voltaire sur Pascal. J’ai craint d’abord que monsieur Guéhenno ne parlât ex cathedra de façon d’ailleurs intéressante, simple et prenante à la fois. Mais il a bientôt fait intervenir les élèves, deux ou trois ont soutenu leur point de vue sur la valeur de l’opinion exprimée par Voltaire. Le professeur a été amené à montrer le sien et il est incontestable que cette classe a marqué pour beaucoup de jeunes gens une acquisition véritable de notions et d’idées ». (Octobre 2021)

  • Jacques Cantier, Lire sous l’occupation. Livres, lecteurs, lectures, 1939-1944, CNRS éditions, 2019, p. 21-22.

Dominique Veillon et le Journal des années noires

L’historienne Dominique Veillon, directrice de recherche honoraire au CNRS, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, vient de publier Paris allemand, entre refus et soumission, 1939-1944, Tallandier, 2021. Pour rendre compte de la vie quotidienne des Parisiens au cours de ces années noires, elle croise des sources très diverses, françaises et allemandes, telles que les registres de police, les rapports des Renseignements généraux, les témoignages et journaux personnels. Le Journal des années noires de Jean Guéhenno est cité une cinquantaine de fois. Elle précise dans l’introduction à son ouvrage que ce journal « est essentiel pour comprendre ces années noires parisiennes. D’un côté on lui doit un témoignage sur les difficultés auxquelles il se heurtait, de l’autre une analyse précieuse sur les écrivains collaborateurs mais aussi résistants et sur les jeunes dans la Résistance ». (Octobre 2021)

Reporters anticolonialistes sous le Front populaire

Anne Mathieu consacre un paragraphe à Guéhenno dans son étude sur les reportages engagés concernant le Maghreb, plus particulièrement à son voyage en Algérie de mai-juin 1937, qui lui fait dénoncer la famine catastrophique (et le bilan fort mince du Front populaire en matière coloniale). D’autres voix de Vendredi sont évoquées : celles de Magdeleine Paz, d’Andrée Viollis… (Octobre 2021)

  • A. Mathieu, « La voix discordante des reporters anticolonialistes », Le Monde diplomatique, août 2021, p. 20-21. Voir aussi G. Sat, in Aden, [Dossier] Anticolonialistes des années 30 et leurs héritages, « Jean Guéhenno face au problème colonial », n° 8, octobre 2009, p.176-192.

Jacques Martin

Secrétaire parisien de la Fédération lycéenne et étudiante en 1931-1932, responsable des Cahiers du mouvement international de la réconciliation, cet objecteur de conscience protestant est plusieurs fois arrêté pour avoir refusé d’effectuer son service militaire dans les années trente. Il est défendu par l’avocat André Philip, Guéhenno vient témoigner en sa faveur le 9 octobre et publie dans Europe du 15 novembre 1932 ses « Notes d’un témoin ») ; condamné par le tribunal militaire de Paris en octobre 1932 à un an de prison au Cherche-Midi, Jacques Martin est libéré sous condition en avril 1933, sous la pression de la Ligue des droits de l’homme, de Guéhenno, d’Emmanuel Mounier.

Arrêté de nouveau, il est libéré définitivement pour raisons de santé en 1936, mais son objection de conscience l’empêche de devenir pasteur (synode de Royan, 1938).

Il s’installe à Ganges (Hérault) où, dès le premier hiver de guerre il cache des Allemands antinazis pour leur éviter les camps d’internement de la IIIe République. Sous l’Occupation il apporte son aide aux familles juives réfugiées (comme aux réfractaires au STO et aux maquisards).

Interné à Montpellier en 1944 puis relâché, il a exercé une grande influence sur les milieux protestants du Midi. (Octobre 2021)

  • Limore Yagil, La France terre de refuge et de désobéissance civile (1936-1944). Exemple du sauvetage des Juifs. Implication des milieux catholiques et protestants. L’aide des résistants. Tome III, Cerf, 2011, p. 214-215. (Voir aussi notre chronologie Guéhenno sur le site Internet.)

Ignazio Silone

Grasset réédite dans sa collection « Les Cahiers rouges » le roman d’Ignazio Silone (1900-1978), Fontamara, dans une traduction de Jean-Paul Samson et Michèle Causse. Située dans les années vingt, l’histoire de cette petite communauté de paysans pauvres du centre de l’Italie, dans les Abruzzes, exploités, trompés, manipulés par les notables propriétaires des terres qui savent profiter de leur ignorance, oscille entre la truculence d’une farce paysanne et le tragique lorsque les possédants, qui ont noué une alliance avec les nouveaux maîtres du pays, font appel aux hommes de main du fascisme pour liquider la révolte des miséreux.

Alors que Jean Guéhenno en était le rédacteur en chef, ce roman fut publié pour la première fois en français dans la revue Europe, en cinq livraisons, du n° 136 (15 avril 1934) au n° 140 (15 août 1934), avant d’être édité par Rieder en 1934 (Voir Philippe Olivera : « Avec les mêmes auteurs, faire une autre littérature ? le cas des prosateurs étrangers modernes des éditions Rieder (1920-1940) », Agone, 29, n° 63-64, p.145-226.). L’année précédente (n° 130 du 15 octobre 1933), J.-P. Samson avait rendu compte de la traduction du livre en allemand l’œuvre fut un succès mondial mais ne paraîtrait en Italie qu’après 1945 ‒, et il écrivait en conclusion de son article qu’il s’agissait d’une « œuvre étonnante, témoin irremplaçable et, en outre, redoutable machine de guerre pour la lutte, bientôt actuelle en tous pays, de la défense et de l’attaque antifascistes. » Ce récit complète efficacement le livre d’Antonio Scurati dont nous rendons compte dans le n° 8 des Cahiers Guéhenno (octobre 2021). (Juin 2021)

Jean Cassou

Dans la revue littéraire en ligne, En attendant Nadeau, du 28 avril 2021, Alexis Buffet rend compte de la réédition chez Gallimard du livre de Jean Cassou (1897-1986), Les massacres de Paris, roman sur la guerre de 1870 et la Commune de 1871. L’auteur souligne que cette œuvre, aux grandes qualités littéraires, fut d’abord publiée en feuilleton en 1935 dans Vendredi, l’hebdomadaire du Front populaire de Guéhenno-Chamson-Viollis. Le roman « était né de l’impérieuse nécessité de réhabiliter, après le 6 février 1934, le souvenir de la Commune », et par ailleurs s’inscrivait « dans la stratégie plus globale de défense de la culture, mot d’ordre de l’antifascisme ». (Juin 2021)

Jean Longuet (1876-1938)

Il fait partie de ces pacifistes qui, méfiants à l’égard de « l’union sacrée », soutiennent le vote des crédits militaires, se rallient à la résistance à tout prix, au moment de vérité pour la France que représentent les offensives Ludendorff du printemps 1918. « Cette attitude ne pouvait pas avoir d’équivalent en Allemagne puisque la guerre se déroulait au loin et que la terre natale ne semblait pas menacée. » Très critique du traité de Versailles, source d’une guerre à venir, partisan d’une Europe des états démocratiques indépendants, rappelant au président Wilson que ses « principes » devraient aussi s’appliquer aux états vaincus et à la Russie révolutionnaire, il propose de « rompre avec l’ordre colonial établi ». (Juin 2021)

  • Gilles Candar, « L’impensable défaite de l’Allemagne : un traumatisme collectif ? », p. 61-65 ; Elisa Marcobelli, « Longuet et les principes de la paix », p. 69-71 [sur G. Krumeich, L’impensable défaite. L’Allemagne déchirée 1918-1933n Belin 2019 ; J. Longuet, Les Principes de la paix, prés. G. Candar, Nancy, Arbre bleu, 2019, in Cahiers Jaurès, octobre-décembre 2020, n° 238.

Guéhenno soutient les réfugiés antinazis

La petite-fille de Jean Longuet vient de consacrer une conférence illustrée à distance au couple de ses parents, Karl-Jean Longuet, arrière-petit-fils de Marx, et Simone Boisecq, dont l’œuvre reflète transformations et bouleversements de l’histoire de la sculpture du vingtième siècle. Karl-Jean Longuet est l’auteur d’un buste de Groethuysen, proche de son père et de Paulhan. Très présents dans les collections nationales, les deux sculpteurs ont laissé leurs archives et bibliothèques à la Bibliothèque Kandinsky. Trois expositions importantes sont prévues cette année à Dunkerque et à Auray (voir la photo ci-contre), puis à Reims, en 2022. Un article et une photo du Populaire attestent la présence de Guéhenno à une contre-exposition des écrivains allemands au Quartier Latin, pendant que se déroulent les fastes de l’exposition internationale de Chaillot. Guéhenno a tenu à manifester sa solidarité à l’égard des dissidents antinazis réfugiés en France. Un buste de Marx par Karl Longuet figure sur la photo. (Juin 2021)

Ecrivains bretons de langue française

Alain-Gabriel Monot, co-auteur avec P. Bachelier d’une biographie publiée à La Part commune en 2007, évoque Guéhenno, l’homme à la fois exceptionnel et « commun », dans un article de cet ouvrage. (Juin 2021)

Bienfaiteurs américains

Une lettre de Guéhenno (? le texte n’est pas signé), également transmise à notre association par Mme Jeanne Lortholary (voir dans notre Cahier 6 « Louise Guéhenno. L’élégance des châteaux de sable ») est adressée en mai 1918 à William Nelson Cromwell, pour le remercier du don important d’un tableau du peintre Ridgway Knight, Américain formé à l’Ecole des Beaux-arts de Paris, ami de Sisley et Renoir. Ce don est destiné à aider les aveugles de guerre. L’auteur se réfère aussi à la fondation du Permanent Relief War Fund par George et Cora Kessler. À la mort de Kessler, en 1920, Cromwell prendra sa suite à Paris et y créera l’important service américain d’éditions en Braille. (Juin 2021)

Valentin Haüy

Mme Jeanne Lortholary, petite-fille de Guéhenno, a transmis à notre association le texte d’une conférence de Guéhenno, prononcée le 7 novembre 1917, à l’Ecole Supérieure des Officiers et soldats Aveugles de Guerre, 27 Bd Victor Hugo, à Neuilly sur Seine sur la vie passionnée de Valentin Haüy. « [Il] fut grand parce qu’il fut bon. Il était modeste et il doit toute sa gloire à la générosité de son cœur. » (Juin 2021).

Maurice Garçon

Les Archives municipales de Fougères ont acquis une lettre de Guéhenno à l’avocat Maurice Garçon. Datée du 5 décembre 1961, elle fit allusion au fait que ce dernier a montré son Journal à Guéhenno, qui conclut : « Vous devez tout faire pour qu’il soit publié un jour. » Nous avons rendu compte de cet important témoignage dans notre cahier n° 6, pp. 65-74. (Juin 2021)

  • Archives municipales de Fougères. Maurice Garçon, Journal 1939-1945, Les Belles Lettres/Fayard, 2015. (Juin 2021)

1941

Trois références au Journal des années noires dans un article récent publié par le ministère des Armées. (Juin 2021)

Julien Cain

Administrateur général de la Bibliothèque nationale, Julien Cain, dont l’arrestation sous l’Occupation est mentionnée par Guéhenno dans son Journal des années noires, a été l’un des hauts fonctionnaires les plus en vue de la République des professeurs. Brillant, mondain, apprécié des intellectuels et créateurs en vue, efficace – c’est lui qui revivifie à la fois la BN mais aussi l’ensemble des bibliothèques françaises et impulse l’élan de la lecture populaire –, « en vue » donc, en particulier sous le Front populaire, il est aussi jalousé ou haï. Sa qualité de juif le désigne aux coups. Il est arrêté par la police allemande en février 1941, incarcéré à la Santé puis au fort de Romainville, enfin déporté à Buchenwald le 22 janvier 1944. Libéré le 11 avril 1945, il reprend ses fonctions le 1er octobre à Paris. Son petit-neveu, Pierre-André Meyer, a publié la correspondance des époux Cain pendant cette terrible épreuve en faisant un remarquable travail d’édition (avant-propos important et notes nombreuses éclairant bien le contexte de l’époque, riches annexes, index pratiques) ; travail d’autant plus difficile que les époux communiquaient dans un langage codé… sur lequel ils n’avaient pas eu le temps de s’entendre.

Cet énorme document (plus de 800 pages) est passionnant à plusieurs titres ; il amène aussi à réfléchir par les nuances et les contradictions, dans le bien comme dans le mal, qu’il expose. Le pathétique, discret, n’en est pas absent : lors de la défaite de 1940, comme Guéhenno, Cain ne voit pas seulement toute une culture et les valeurs qui l’inspiraient s’effondrer ; l’homme de pouvoir, courtisé et estimé, se retrouve soudain presque seul, et ses rares soutiens ont perdu de leur influence ; l’ancien combattant, grand blessé de 14-18, ne peut pas comprendre que Pétain se désintéresse de ses soldats. (Mars 2021)

  • Julien Cain et Lucienne Julien Cain. Correspondance. De la Bibliothèque nationale au camp de Buchenwald 1941-1945, édition établie, présentée et annotée par Pierre-André Meyer, Collection Chemins de la Mémoire, L’Harmattan, 2020

 1936 : Guéhenno quitte Europe

La correspondance entre Romain Rolland et Jean-Richard Bloch évoque les intrigues autour du comité de rédaction d’Europe en 1936, revue finalement intégrée à la sphère culturelle du Parti communiste. En dehors du problème financier réel posé par la chute de la banque qui la soutenait, Jean Lacoste souligne le combat, « dans les milieux intellectuels, par exemple au sein du comité de vigilance des intellectuels antifascistes, et dans l’opinion, entre les « pacifistes intégraux » comme Alain ou Giono, prêts à toutes les concessions pour éviter un nouveau massacre […], et les antifascistes proches du Parti communiste, qui voient en l’Union soviétique le seul véritable rempart. »

  • Romain Rolland et Jean-Richard Bloch, Correspondance (1919-1944), éd. Roland Roudil et Antoinette Blum, Editions universitaires de Dijon, 2019 (Les Etudes Romain Rolland/Cahiers de Brèves¸ n° 44, janvier 2020, qui rendent compte de ce livre, comportent aussi un hommage au professeur Bernard Duchatelet, dont elles publient une étude sur « L’Âme religieuse de Romain Rolland », un article d’A. Blum sur « Le Théâtre de la Révolution, Les Loups et l’affaire Dreyfus »). (Mars 2021)

La collection des « Prosateurs étrangers modernes » des éditions Rieder (1920-1940)

Guéhenno est plusieurs fois cité, même s’il n’est pas une figure centrale de cette aventure de l’éditeur d’Europe jusqu’en 1936. Philippe Olivera rappelle d’abord l’histoire de la maison d’édition, de ses relations compliquées avec Romain Rolland ; il s’interroge sur l’existence d’un projet éditorial défini pour la collection, qui devait donner la parole à ce que les sociologues appellent les « périphéries » et explique le débat oublié aujourd’hui sur littératures prolétarienne et populiste entre 1925 et 1935. Plusieurs points ressortent : la concurrence entre Gallimard et Rieder (dont beaucoup d’auteurs ne font pas allégeance à la maison) est connue et souvent analysée ; dans le cas de la collection des « Prosateurs étrangers modernes », Rieder apparaît comme le précurseur et Gallimard comme plutôt « suiviste » ; si Rieder n’a pas connu le même succès économique, il a créé une valeur littéraire durable (dont témoignent de nombreuses rééditions aujourd’hui) et a réussi à contester le cœur du pouvoir littéraire. Une étude impressionnante qui conjugue érudition, rigueur et réflexion approfondie.

  • P.Olivera, « Avec les mêmes auteurs, faire une autre littérature ? Le cas des « Prosateurs étrangers modernes », Agone, n° 63-64, 2019, pp. 145-225. (Mars 2021)

Changer la vie, bientôt au théâtre ?

Nous avons reçu le 1er février l’information suivante de la troupe des Tréteaux de France :

« Les Tréteaux de France, centre dramatique national, ont le projet de programmer une lecture de Changer la vie de Jean Guéhenno cet été dans le cadre de la manifestation « L'Île de France fête le théâtre » qui se déroule dans les îles de loisir d'Île de France et qui a pour but, entre autres, de toucher le public de la grande banlieue de Paris qui ne part pas en vacances et de lui faire découvrir des œuvres et des auteurs.

C'est Robin Renucci, notre directeur, qui interprétera le texte. ll sera accompagné d'un musicien. Le choix des extraits et le montage seront réalisés par Evelyne Loew, La lecture-spectacle durera environ une heure et sera suivie de rencontres. »

  • treteauxdefrance.com (Mars 2021)

Je vous écris d’Europe

J.-K. Paulhan a publié quelques notes sur les chroniques européennes de Guéhenno, qui seront reprises de façon plus détaillée dans nos cahiers.

  • « Le Breton Guéhenno, professeur d’Europe ? » Commentaire, hiver 2020-2021, pp. 911-913 (Mars 2021).

Halévy

Marie-Brunette Spire, qui a œuvré par sa traduction à faire connaître en France le magnifique roman d’Israël Joshua Singer Les frères Ashkenazi, (1944, 2005, disponible en poche), vient de publier les sept cents lettres échangées par Daniel et Marianne Halévy et André Spire ; elles partent de l’Affaire Dreyfus et s’achèvent au temps de la guerre d’Algérie. Nous en reparlerons, bien sûr.

  • D. et M. Halévy - A. Spire, Correspondance 1899-1961. Des ponts et des abîmes : une amitié à l’épreuve de l’histoire, Honoré Champion, 2020 (Janvier 2021)

Pacifisme(s)

Guéhenno est cité à la fin du chapitre « Les mystiques de la paix » par Crémieux-Brilhac, pp. 503-505.

Son livre tout entier apparaît indispensable aux lecteurs du Journal des années noires. Sur le pacifisme français de 1939, signalons les p. 84, 89, 130, 619, entre beaucoup d’autres. 

  • Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Les Français de l’an 40 (I) La guerre, oui ou non ? Gallimard, 1990 (Janvier 2021)

Jean Blanzat à la Libération

  • Trois références sur le site de la Bibliothèque Nationale de France, Retronews (janvier 2021) :
  • « La culture des instituteurs », La Résistance ouvrière, 1er mars 1945

https://www.retronews.fr/journal/la-resistance-ouvriere/1-mars-1945/1713/3029703/1 

  • « L'églantier d'Oradour », ibid., 3 mai 1945

https://www.retronews.fr/journal/la-resistance-ouvriere/3-mai-1945/1713/3029683/2 

  • « Hitler disait », ibid., 19 juillet 1945

https://www.retronews.fr/journal/la-resistance-ouvriere/19-juillet-1945/1713/3029863/1

Jean Blanzat et Les Revenants

Le film de Robin Campillo, puis la série télévisée pour Canal + de Fabrice Gobert et Emmanuel Carrère ont suscité de nombreux commentaires. Aucun critique n’a évoqué le roman de Blanzat, Le Faussaire (Gallimard, 1964, prix Femina), qu’il faut redécouvrir (Janvier 2021).

Vendredi, un échec inévitable ?

J. Thouroude a retrouvé cette « oraison funèbre » du journal : « « Les responsables de la situation actuelle sont les partis » écrivait Jean Guéhenno.  On ne pouvait être plus dévoué au Front Populaire que Vendredi, mais c’était miner l’union qu’on veut consolider que dénigrer chacune de ses composantes. […] Les pacifistes intégraux, qui s’étaient emparés de la majorité du Comité, s’éloignèrent de nous et de Romain Rolland, qui étions bellicistes à leurs yeux ; les communistes s’éloignèrent de nous qui publiions Gide, les admirateurs de Gide s’éloignèrent de nous qui ne le suivions pas en tout point. Le tirage baissa, catastrophiquement – parce que le vent soufflait en catastrophe.  [Mais] ce ne sont pas nos espoirs déçus que m’évoque le souvenir de Vendredi ; c’est le rêve que nous avons vécu. »

Il consacrera une note aux relations entre Guéhenno et Wurmser dans le prochain Cahier Guéhenno.

  • André Wurmser, Fidèlement vôtre, Grasset, 1979, p. 214 (voir aussi les p. 215 et 216 sur Gringoire et la Résistance française, dans laquelle s’illustrèrent les principaux collaborateurs du journal). (janvier 2021)

Boursiers et héritiers

À signaler, une note intéressante sur les  « Boursiers d’hier et d’aujourd’hui », qui rappelle l’ouvrage important d’Albert Thibaudet en 1927, La République des professeurs. Elle décrit aussi les conditions historiques spécifiques dans lesquelles ont été publiés Les Héritiers et La Reproduction, pour conclure : « Si les boursiers d’alors entraient vers 11 ans au lycée, alors réservé à une élite très restreinte, ils sont aujourd’hui confrontés aux héritiers plus tardivement (entre 18 et 20 ans) et doivent contrecarrer les effets de leur socialisation primaire dans un laps de temps plus court. » L’auteur se réfère également aux travaux du Britannique Richard Hoggart et à sa distinction entre les types de boursiers dans La Culture du pauvre. L’autobiographie de ce dernier, mort en 2014, n’a été traduite que partiellement en français sous le titre 33 Newport Street.

  • Paul Pasquali « Les déplacés de l'" ouverture sociale " », Actes de la recherche en sciences sociales, 2010/3, n° 183, accessible par le site Cairn, p. 99, n. 34, et p.  101. (janvier 2021)

L’honneur de la classe ouvrière vu par Guéhenno

Antoine Prost, spécialiste de la société française au  vingtième siècle (de la guerre de 1914-1918 et des anciens combattants, des questions d'enseignement, du syndicalisme), propose une synthèse des connaissances sur ce qui fut appelé, rappelle-t-il, seulement autour de 1940, la « Belle Époque ». Dans deux des chapitres de son ouvrage, il s'appuie notamment sur le témoignage donné par Jean Guéhenno dans le Journal d'un homme de 40 ans.

Au chapitre 3, « Patrons et ouvriers », au cours d'un développement sur les formes du travail ouvrier et la distinction entre usine (concentration des ouvriers dans un même lieu pour y accomplir un travail) et « fabrique » (l'ouvrier travaille à domicile pour un patron), il écrit (pp. 79-80), à propos de ce dernier mode de production :

« L'espace de production se confondait ici avec celui de la vie de la vie familiale. Jean Guéhenno a décrit la chambre des cordonniers de Fougères où il est né en 1890 : « On y travaillait, on y mangeait, même certains soirs on y recevait des amis. Autour des murs, il avait fallu ranger deux lits, une table, deux armoires, un buffet, le tréteau du réchaud à gaz, accrocher les casseroles […]. Des ficelles couraient d'un coin à l'autre de la pièce sur lesquelles séchait toujours la  dernière lessive. [Sous une haute fenêtre] « on avait installé ‘‘l'atelier’’, la machine à coudre de ma mère, le bahut de mon père et un grand baquet d'eau dans lequel trempaient toujours des cambrures et des semelles. L'odeur du cuir était prégnante. » »

Au chapitre 4, « La question sociale », l’historien rappelle la violence, de la part des forces de l'ordre ou des milices patronales mais aussi entre les ouvriers, qui pouvait surgir lors des grèves : « Les conflits entre ‘‘rouges’’ et ‘‘jaunes’’ pouvaient dégénérer. À Fougères en 1907, un jaune a tué un rouge à la veille de la reprise. » Par ailleurs, lors de grèves longues, des familles ouvrières devaient affronter une situation particulièrement difficile :

« Jean Guéhenno en a laissé un témoignage poignant. Ses parents, des cordonniers de Fougères, faisaient la terrible grève de 1907 depuis des semaines ; sa mère était malade. Il revient un jour de la boulangerie les mains vides, le boulanger n'a pas voulu faire crédit. « Ma mère se leva, se peigna, s'habilla sans dire un mot : elle était blanche comme cire. Et la voilà partie à la fabrique. « Puisque les hommes ne veulent pas travailler, je vais travailler, moi », nous lança-t-elle sur la porte. » Dans la rue, elle s'effondre. Il la relève, aidé par des passants. Son père craque alors, va à la fabrique et revient en leur disant «  avec une sorte de haine : « Tenez, vous en voulez de l'ouvrage, en voilà ! » Le lendemain, trois de ses camarades viennent lui demander s'il est vrai qu'il a pris du travail. Il avoue : « Vous voyez bien que ma femme est malade. Je ne pouvais pas faire autrement ». Alors, ce furent des cris, des injures. « Lâche, vendu ! » Le père Portelette, lui, ne cessait de répéter : « Jean, on aurait jamais cru cela de toi. » Le père de Guéhenno n'a pas achevé ce travail et bien des années plus tard, il reprochait encore à sa femme de s'être fait traiter de lâche par sa faute. « C'est la seule chose que les pauvres vieux ne se soient jamais pardonnée. » La grève : une affaire d'honneur et pas seulement de pain. »

  • A. Prost, Les Français de la Belle Époque, Gallimard, 2019, pp. 79-80 ; p. 126 (transmis par J. Thouroude, janvier 2021).

Henri Bouché (à la radio et à travers les dédicaces d’Alain)

Les Amis d’Alain viennent d’acquérir deux volumes d'Alain dédicacés à Henri Bouché.

Catherine Guimond nous communique toutes les précisions qui suivent.

La dédicace de 1924 est inscrite avant les Lettres au docteur Henri Mondor sur le sujet du cœur et de l’esprit, NRF, 1924, celle de 1944 avant les Préliminaires à la mythologie, Paul Hartmann, 1943.

Henri Bouché fut élève et ami proche d'Alain. Alain l'appelait affectueusement l'Aviateur. C'est lui que l'on voit en photo, dans les albums du fonds Alain, sur les toits du lycée Henri IV avec quelques camarades. 

Lors d'une conférence de 1991, « Aviation et humanisme », Jean-Michel Amirault, vice-président de l'Aéro-Club de France, rendait ainsi hommage à son premier « patron » : 

« Henri Bouché, grand seigneur de l'Aéronautique, fut l'un des plus proches disciples d'Alain. Normalien, grièvement blessé dès le début de la Guerre de 1914, refuse d'être réformé et sert quatre ans comme officier observateur dans l'aviation. Éminent journaliste aéronautique, après la guerre, créateur du journal L'Aéronautique, rapporteur à la S.D.N., il contribue en 1933 à la création d'Air France, puis fonde l'Institut du Transport aérien et participe activement après la Deuxième Guerre mondiale, au sein de l'O.A.C.I. (Organisation de l'Aviation Civile Internationale), à la formulation des règles de navigation qui, pour une bonne part, régissent encore aujourd'hui le transport aérien mondial. C'est de la khâgne d'Henri IV que datent ses relations avec Alain. Pendant la sombre époque de l'Occupation, c'est grâce à Henri Bouché, rappelle André Sernin, qu'Alain gardera le contact avec ses autres amis. Il cite également cette lettre d'Alain de novembre 1949 qui illustre la tonalité de leurs relations : « J'aime et admire Bouché plus que n'importe qui ; j'ai un concitoyen et j'espère ne pas faire plus de concessions que lui. » »

C. Guimond invite à réécouter l'émission « La Tribune de Paris », en 1948, réunissant dans la maison du Vésinet Alain et ses amis (André Maurois, Michel Alexandre…), dont Henri Bouché, à l'occasion du 80e anniversaire du maître. 

https://www.youtube.com/watch?v=gq0a9W7wgzk

  • Merci aux Amis d’Alain (Jean-Pierre Richard, Catherine Guimond) de nous avoir communiqué ces informations (janvier 2021).

Jean-Michel Bénier

"Les impressions d'enfance sont les plus fortes car elles fixent la couleur de l'âme".

Cette citation est extraite du roman de Jean-Michel Bénier : L’île où rêvent les nuages-des montagnes du Jura à l’île du Jura , Éditions Zeraq, février 2019, p. 20. Elle reprend en partie la citation de Jean Guéhenno : "On ne revient pas de certaines impressions de l’enfance. Elles fixent la couleur de l’âme." Ce que je crois©, Grasset, 1964, p. 25. (janvier 2021)

Antoine Prost

Document à télécharger : Antoine Prost, "Les Français de la Belle époque"

Aimé Trogoff

Tel est le nom que recherchait l’un des lecteurs de Guéhenno, Géraud de Boisset, désireux de savoir qui avait emporté en mer les cendres de l’écrivain. « ll s'agit d’Aimé Trogoff, marin pêcheur originaire du Trégor, lui répond P. Bachelier. Il travaillait chez Jean Tanguy, patron pêcheur. Le bateau qui a servi à immerger l'urne s'appelait "Notre-Dame de Port-Blanc. »Notre secrétaire général s’appuie sur une source précise… (novembre 2020)

  • Y. André, « Rencontre : Aimé Trogoff se souvient de Jean Guéhenno », La Chronique républicaine, 6 novembre 2003.

Trois citations

  • Citation placée en exergue du livre de poèmes d’Yvon Le Men : « Aux marches de Bretagne», éditions Dialogues, 2018

" Je savais gré aux livres de m'avoir fait riche de la seule richesse, de m'avoir permis de vivre une autre vie que celle que l'on gagne.", Journal d'un homme de 40 ans©, Grasset, 1934, p. 138.

  • Citation parue dans le journal La Croix du  16 septembre 1920 :

« Je crois que tout commence à l’école » Citation qui reprend un passage de Carnets du vieil écrivain, Grasset, 1971, p. 132 : « Je crois vraiment que tout commence à l’école, et, si les écrivains ne trouvent pas les lecteurs qu’ils méritent, c’est qu’on n’y a pas enseigné à vraiment lire, c’est qu’on n’y a pas fait, aux adolescents, du livre, un besoin, un outil, un secours pour toute la vie. »

  • Citation parue dans Ouest-France du 25 septembre 2020 :

« Le souvenir de l’effort est toujours un souvenir heureux et l’on sourit aux anciennes misères vaincues. » Ce que je crois, Grasset, 1964, p. 33.

Résistance Ouvrière

En 1944 et 1945, Jean Guéhenno a publié sept articles dans le journal Résistance Ouvrière, hebdomadaire du Comité d’Étude et de Documentation Économique et Sociale. Le premier numéro de Résistance Ouvrière, journal créé par les syndicalistes regroupés autour de Léon Jouhaux (1) au sein de la C.G.T. — réunifiée à la suite des accords du Perreux du 17 avril 1943 après les déchirements de l'année 1939 ―, est paru dans la clandestinité en août 1943. Il porte alors en sous-titre  : «  Organe ouvrier de la FRANCE COMBATTANTE  ». C'est un hebdomadaire syndical  clandestin, moyen d’expression des syndicalistes confédérés de la zone nord pendant l'occupation. L'autre journal de la C.G.T, la Vie Ouvrière, proche des communistes, paraît clandestinement de 1940 à 1944. L'éditorial du premier numéro de Résistance Ouvrière appelle à la lutte, dans l'unité, contre l'occupant et le gouvernement de Vichy. Dix numéros sont diffusés sous le manteau jusqu'à la Libération, le dernier le 6 juin 1944,  jour du débarquement.

Après une interruption de plusieurs mois, l'hebdomadaire reparaît le 24 novembre 1944 pour une nouvelle série sous le même titre, suivi de : « Hier clandestine, aujourd'hui libre  »  ; il se présente à nouveau comme l' « hebdomadaire du Comité d’Étude et de Documentation Économique et Sociale ». L'éditorial du premier numéro affirme que la « Résistance a une mission constructive. Elle doit participer de toutes ses forces à l'effort de guerre, préparer la paix, relever le pays, libérer la démocratie des forces d'argent, bâtir une France économiquement forte, socialement juste, politiquement libre. » Jean Guéhenno signe à la une de ce premier numéro un long article titré « Pour un monde libre  », plaidoyer passionné pour que «  la liberté devienne le bien de tous  » et plus particulièrement de la classe ouvrière.

Ce ne sera pas la seule contribution de Guéhenno à ce journal, il y publiera sept articles entre le 24/11/1944 et 14/6/1945. Nous en présentons cinq ci-après dont quatre évoquent la vie et le destin de «  Bernard Palissy, l'ouvrier génial  », figure présentée comme exemplaire dans les livres d'histoire de l'école élémentaire d'autrefois comme en témoigne, entre bien d'autres identiques d'un manuel à l'autre,la vignette ci-dessous.

Double page du chapitre consacré à la Renaissance dans  : E.Personne, M.Ballot et G.Mars,  Histoire de France, Cours élémentaire 1ère et 2ème année, Librairie Armand Colin, 1953

Mais, le propos de Jean Guéhenno n'est évidemment pas de reprendre à son compte une image d’Épinal édifiante, un chromo. Ce qu'il écrit montre qu'il a en tête deux objectifs.  D'une part, permettre au mouvement ouvrier de se réapproprier une figure récupérée, annexée par le régime de Vichy, ses idéologues et la presse collaborationniste, sans oublier la Loterie nationale,  pour illustrer la devise du régime  : Travail, Famille, Patrie (2). Jean-Kely Paulhan a bien mis en valeur ce fait dans son édition de la correspondance entre Jean Guéhenno et Jean Paulhan (3) . Guéhenno précise d'ailleurs dès son premier article, à propos de l'image de la persévérance attachée à Palissy, que l'«  on a pu la voir récemment sur tous les murs de nos villes et de nos villages. L'hypocrisie de l'ordre moral ne pouvait manquer de l'utiliser. L’État le plus édifiant qu'on eût vu en France depuis longtemps promettait le gros lot, s'ils étaient aussi persévérants que le vieux maître Bernard  et consentaient assez longtemps à perdre, à tous les joueurs de la Loterie nationale. Pauvre vieux religionnaire qui ne croyait qu'à Dieu, au travail et à la vertu, voilà bien le sérieux et la moralité de l'histoire.  »

D'autre part, son étude, en prenant comme exemple une histoire que les ouvriers passés par l'école laïque de la IIIème République connaissent bien — vraisemblablement en partie reconstruite pour la rendre exemplaire ―  plaide, encore et toujours,  pour l'éducation et la promotion ouvrière, ce  que  souligne le rédacteur du journal qui présente ainsi cet ensemble d'articles  : «  Jean Guéhenno nous fait l'amitié de nous offrir la primeur de cet essai sur Bernard Palissy, l'autodidacte et génial ouvrier qui se fit une place de choix parmi les princes de la pensée.  Au moment où l'on parle de la promotion ouvrière, et où les problèmes d'éducation s'imposent au premier plan parmi nos actuels soucis de militants, nous sommes heureux de présenter à nos lecteurs cette captivante étude l'auteur de Caliban parle.» Ces articles témoignent de l'engagement jamais démenti de Jean Guéhenno en faveur de la promotion sociale, de l'émancipation des ouvriers par l'éducation, engagement renforcé et riche des promesses nées de la Libération avec, notamment, le programme social du Conseil National de la Résistance. Jean Guéhenno donnera d'ailleurs, comme il l'avait déjà fait avant-guerre, des cours au Collège du travail de la C.G.T., ce journal en rend longuement compte à deux reprises.

Bien que Résistance Ouvrière soit avant tout un hebdomadaire syndical, d'autres intellectuels seront invités à écrire dans ses colonnes ainsi Jacques Maritain, Albert Camus et Jean Blanzat. Le  n° 56, dernier à paraître sous ce titre annonce sa transformation à compter du 20 décembre 1945, la publication devient Force Ouvrière avec comme sous-titre  : «  Hier Résistance Ouvrière – Aujourd'hui Force  ». C'est le nom que prendra l'organisation qui naîtra de la scission de la C.G.T. entre communistes et confédérés (socialistes, anarchistes, trotskistes) en décembre 1947 sur fond de grèves dures dans un climat de Guerre froide.

Articles à télécharger :

La cause commune, par Jean Guéhenno

Bernard Palissy. L'ouvrier génial, par Jean Guéhenno

(1) Né le 1er juillet 1879 à Paris, mort le 28 avril 1954  ; ouvrier allumettier  ;  syndicaliste et anarchiste, puis réformiste  ;  secrétaire, puis secrétaire général de la CGT (1909-1947)  ; président de la CGT-FO (1948-1954).

(2) Voir par exemple, entre autres,  Le Petit journal  (Parti social français) du 15/12/1942 l'article de Jacques Grosclaude  : «  Puissances d'exemple, la haute leçon de Bernard Palissy  »  ; Le Cri du Peuple (journal de Jacques Doriot) du 24/8/1942  : «  Apprentissage  » de Jean Lagarigue.

(3) Correspondance, 1926-1968, Jean Guéhenno, Jean Paulhan, éd. établie, annotée et présentée Par Jean-Kely Paulhan, Les Cahiers de la NRF,  Gallimard, 2002  ; voir les pages 280 à 329 pour ce qui concerne leurs échanges au sujet de Bernard Palissy — plus particulièrement la note 1 de la page 281 — et l'étude qu'est en train de rédiger Jean Guéhenno. L'étude sur Bernard Palissy sera ensuite publiée dans Le tableau de la littérature française, I de Rutebeuf à Descartes, Gallimard, 1962 puis dans Caliban et Prospero suivi d'autres essais,Gallimard, 1969, p. 69-86.

Discours Guéhenno/Zola/1954

Depuis le décès d’Émile Zola le 29 septembre 1902, chaque année, le premier dimanche d’octobre, la Société littéraire des amis d’Émile Zola réunit ses membres et ses sympathisants dans la maison de l'écrivain à Médan dans les Yvelines. Lors de la réunion du 3 octobre 1954, Jean Guéhenno a été invité à prononcer un discours que publie le numéro 1 des Cahiers naturalistes, organe de cette société.

Article à télécharger : Discours de Jean Guéhenno. Grand Prix de la Ville de Paris

Jean Prévost

Cet article d'hommage à l'écrivain Jean Prévost (1901-1944), écrivain et résistant tué par les allemands avec quatre de ses compagnons à la sortie des gorges d'Engins (Drôme) le 1er août 1944, a été publié dans l'hebdomadaire Carrefour, journal créé par des résistants de la mouvance  démocrate-chrétienne.

Article à télécharger : Jean Prévost est mort à la guerre, par Jean Guéhenno

«  Les volontaires  »

Sous-titré « Le grand hebdomadaire de l'Amérique latine », le premier numéro de ce journal bilingue, français et espagnol, publié en Argentine à Buenos Aires, paraît le 22 janvier 1943. Sa profession de foi publiée à la une sous le titre : « Unissons-nous contre l'ennemi et ses complices » appelle à la lutte sans merci contre l'Allemagne nazie et se place sous le signe de la croix de Lorraine. L'article de Jean Guéhenno est publié en français et en espagnol dans le même numéro.

Article à télécharger : Les volontaires, par Jean Guéhenno

Cryptogramme

« Une œuvre d’art doit avoir une signification si profonde, si universelle, si nombreuse et diverse, que chacun peut y boire la liqueur qu’il aime. Un totem à une croisée de chemins. Jamais (expliquer serait épuiser), jamais totalement déchiffré. »

Jean Dubuffet, « Notes pour les fins-lettrés », 1945, in Prospectus et tous écrits suivants, T.I, Paris, Gallimard, 1967 (1985).

  • Fondation Dubuffet #NotesPourLesDé-Confinés! (9 juin 2020)

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Rabindranath Tagore

On sait l’admiration qu’avait inspirée à Guéhenno l’écrivain indien « premier non-Occidental à obtenir le prix Nobel de littérature ». À Guéhenno, comme à Yeats, Saint John Perse, Rolland, Gide… L’on vient de rééditer ses œuvres dans la collection Gallimard « Quarto » (prés. F. Chartier et S. G. Banerjee), et chez Zulma Kabuliwallah et autres histoires (trad. B. Formentelli). (juin 2020).

  • F. Noiville, « Rabindranath Tagore. Là où tout a sa place », Le Monde [des livres], 29 mai 2020, p. 1.

Le rêve européen

« Le combat humaniste des nombreux intellectuels européens dans un monde au bord du précipice », tel est le sujet de prédilection de Claudine Delphis. Il ne peut laisser les lecteurs de Guéhenno indifférents. Cette correspondance évoque d’ailleurs plusieurs événements qui ont marqué sa vie, et insiste sur « le rôle central de la revue Europe dans les échanges littéraires et intellectuels entre les deux guerres » (juin 2020).

  • Stefan Zweig et Jean-Richard Bloch, Correspondance (1912-1940), prés. Claudine Delphis, coll. Ecritures, Editions Universitaires de Dijon, 2020.

Un écho de notre Cahier Guéhenno n°7

Ce n’est pas le seul, mais le site Internet qui a salué la parution de ce numéro joue un grand rôle dans le monde, vaste, des revues culturelles. L’association Ent’revues, créée en 1986, propose à tous les acteurs de la vie des revues (libraires, bibliothécaires, écrivains, éditeurs, chercheurs…) un espace d’information, de rencontre et de réflexion pour la préservation, l’étude et la promotion des revues culturelles et scientifiques. Merci à J. Thouroude de nous avoir introduits dans ce cercle. (juin 2020)

Fougères, 1906 : les grandes grèves

Le mardi 28 avril, à 20 heures 50, ARTE a diffusé Le temps des ouvriers, de Stan Neumann. L’intégralité des quatre films de 50 minutes est accessible. Le troisième film contient un bref passage sur les grandes grèves de Fougères et les mouvements de solidarité ouvrière qu’elles ont déclenchés. (juin 2020)

Jean Guéhenno présent au… Brésil

Dans une boutique de déco à Itaïpava, une toute petite ville de la campagne brésilienne, Colette Personnaz-Faucheux, une de nos Amis, a découvert une édition originale reliée cuir du Journal d’un homme de 40 ans. Itaïpava qui est aussi le nom d’une bière locale, est située dans le district de Petropolis. Cette ville nommée « ville de Pierre » en l'honneur de l'empereur Pierre II du Brésil, est la résidence d'été de l’Empire au XIXe siècle. La « Ville impériale » est devenue la destination d’artistes, intellectuels et célébrités. L’écrivain autrichien Stefan Zweig et son épouse s’y sont donné la mort le 22 février 1942. On peut visiter à Petropolis la maison de l’aviateur Santos Dumont.

L’Humanité, 4 décembre 1912. "La conduite de Laignelet".

Cet article est le sixième volet d’une enquête « Pour les enfants d’usine » dont la publication a débuté dans L’Humanité le 22 novembre 1912.

Fougères, 1945 (un reportage d’Auguste Gallois)

J. Thouroude a retrouvé ces lignes dans Le Peuple : « À Fougères, les destructions dépassent ce que l'imagination peut concevoir. Des quartiers entiers de cette ville gisent éventrés sous le pilon de la guerre. Au milieu de ces ruines, notre pensée se porte vers Jean Guéhenno qui nous entretint jadis avec tant d'amour de sa ville natale, dans le Journal d'un homme de quarante ans. En contemplant la misère de ces décombres, notre ferveur pour l'auteur nous inclinait à savoir le sort de sa maison paternelle. Nous demandâmes vainement pour être fixé sur ce point. - Caliban parle, nous dit un monsieur distingué, je ne connais pas. - Et Guéhenno ? - Pas davantage ! C'est à croire que l'utilité se fait sentir de rééditer ce beau livre : Caliban parle. Et Paris se doit de mieux faire connaître les Bretons... à la Bretagne. »

  • Le Peuple, organe officiel de la Confédération générale du Travail, n° 49, 18 août 1945, Rubrique « La vie littéraire » : « A travers la Bretagne littéraire et artistique », p. 3). Le chroniqueur, A. Gallois (qui, dans un autre numéro, dresse un long portait chaleureux de J. G.), voyage de Rennes à Combourg, de Fougères à Saint-Malo, dans la Bretagne meurtrie par la guerre. (Mars 2020)

Bernard Palissy, « l’ouvrier génial »

J. Thouroude complétera bientôt sur notre site la liste des articles de Guéhenno, après avoir consulté l’hebdomadaire Résistance Ouvrière (1943-1945) qui deviendra Force Ouvrière fin 1945, journal auquel J.G. a collaboré assez régulièrement en 1944 et 1945. Il a relevé en particulier une étude en trois volets à propos de « Bernard Palissy, l'ouvrier génial », qui fait déjà l’objet d’échanges avec J. Paulhan sous l’Occupation. (Mars 2020)

Louis Guilloux (trahison et fidélité)

À partir de 1929, L. Guilloux coopère à la lecture de manuscrits pour les éditions Rieder avec Marcel Martinet, et entretient avec ce dernier une correspondance très dense. Il y est bien sûr question de la défense de Guéhenno, critiqué pour son « sentimentalisme » par la presse communiste mais aussi de la mission de l’écrivain dans les temps troublés : la « Révolution » est-elle un absolu ?

  • Cahiers Louis Guilloux, n° 3, « Louis Guilloux et les éditions Rieder, Bédée, Folle Avoine, 2018

 

Maurice Clavel (une prière pour Guéhenno)

« Ô mes instituteurs laïques et obligatoires de Sète, Monsieur Gontier, Monsieur Vésinet, Mademoiselle Larose ! Ô Guéhenno humanisant dans son parc de Sceaux ! Quelle dignité ! Quelle réserve ! Quel respect de tous leurs élèves ! Quel sentiment de leur propre ignorance ! Quel sérieux… Moi qui ne suis séparé d’eux que par mon Dieu […] au moins que je leur fasse en mon cœur un sanctuaire et que je prie pour eux car ils ont bien travaillé… Qu’ils sachent que je ne suis pas devenu obscurantiste, au contraire, que j’ai creusé leur humanité et leur humanisme jusqu’à leurs conditions de possibilité. Qu’ils me pardonnent […] ce titre, songeant que mes éclats visent à rétablir cette pudeur qu’ils aimaient. »

  • M. Clavel, « Dieu est Dieu, nom de Dieu ! », Grasset, 1976, p. 154. C’est le philosophe Jean-Pierre Richard qui a attiré notre attention sur ce texte. (mars 2020)

Paul Valéry (admiré)

« J’ai fait envoyer hier à Paul Valéry le n° d’Europe du 15 Février. Si vous avez l’occasion de le voir, dites-lui bien que ce qu’il doit retenir de tous mes commentaires d’ailleurs très rapides, c’est que j’ai pour son œuvre une grande et sincère admiration. »

  • Lettre inédite (extrait) de Jean Guéhenno à Adrienne Monnier, 8 mars 1935, IMEC/Fonds A. Monnier, signalée par Claire Paulhan (mars 2020)

Robert Nialon (cambrioleur heureux ?)

C’est le nom du cambrioleur qui s’est attaqué au pavillon de Jean Guéhenno, rue des Lilas, dans le vingtième arrondissement de Paris. J. Thouroude a retrouvé un article évoquant son procès. Nous y apprenons que l’écrivain ne s’est pas porté partie civile « n’attachant guère de valeur aux pertes matérielles ».

  • Geo London, « Le cambrioleur croyait au père Noël », Ce soir, 26-27 décembre 1948, Gallica/BNF (mars 2020)

Simon Leys (démocratie et hiérarchie des esprits)

« Une éducation vraiment démocratique est une éducation qui forme des hommes capables de défendre et de maintenir la démocratie en politique ; mais dans son ordre à elle, qui est celui de la culture, elle est implacablement aristocratique et élitiste. » « L’université n’est pas une usine à fabriquer des diplômés, à la façon des usines de saucisses qui fabriquent des saucisses. C’est le lieu où une chance est donnée à des hommes de devenir qui ils sont vraiment. »

  • Cit. par P. Paquet, Simon Leys. Navigateur entre les mondes, Gallimard, 2016, p. 577 (mars 2020)

André Oullac (démocratie et hiérarchie des esprits)

Claude Delafosse nous a transmis les pages de l’hommage rendu à Guéhenno en 1978 par le secrétaire général du SNI-PEGC. Elles seront affichées sur notre site Internet. Dans une lettre du 4 juin 1973, Guéhenno reconnaît « la profonde inégalité des esprits et précise : « Tout système d’enseignement doit compter avec elle sous peine d’être inefficace. » L’Ecole libératrice, hebdomadaire du principal Syndicat des instituteurs, fondée en 1929, arrêtée en 1992, a accueilli des propos d’Alain et se souvenait du soutien apporté à la cause de l’enseignement primaire par Guéhenno, de son respect aussi pour la mission des enseignants des écoles.

  • A. Oullac, « Notes et souvenirs » [couvrant une période de 1938 à 1977], L’Ecole libératrice, n°4 ; 6 octobre 1978, pp. 176-177. (mars 2020)

Marceau Pivert (très intéressant !)

Ce pacifiste, qui a approuvé les accords de Munich, réfugié aux États-Unis, écrit au général de Gaulle après son appel à la radio (sans doute celui du 22 juin 1940) pour lui proposer de soulever… les ouvriers allemands et les peuples coloniaux… Une seule condition posée à de Gaulle : « si l’esprit de liberté et le désir d’indépendance nationale que vous avez invoqués ne sont pas de simples ruses destinées à mobiliser les ouvriers antifascistes au service de la classe privilégiée. » Réponse du général, qui a trouvé la lettre « très intéressante » : « Sans que je veuille préjuger de ce que sera ou devrait être l’état social de la France après la victoire, il me paraît certain qu’aujourd’hui les exploiteurs et les tyrans des classes laborieuses sont Hitler et Mussolini. »

  • F. Delpla, L’Appel du 18 juin 1940, Grasset, 2000, p. 285 (mars 2020).

Jacques Lusseyran (rayonnant)

Il est évoqué, par Jacques Bloch qui l’a rencontré à Buchenwald, dans un entretien (magnifique, dont il faut conseiller et partager la lecture). « Grâce à cet esprit raffiné, fin lettré, [Jacques Bloch] garde contact avec la beauté au milieu de l’inhumanité. »

  • B. Hopquin, « À Buchenwald, la mort en filigrane. Jacques Bloch, résistant et libérateur de la ville de Guéret, a été déporté dans un camp allemand le 5 septembre 1944. Il y a vécu huit mois d’enfer, qu’il raconte aujourd’hui sans fard. », Le Monde, 17 janvier 2020 (mars 2020).

Jean-Richard Bloch, contemporain capital

Plusieurs allusions à l’intérêt que Guéhenno porte à son œuvre dans sa correspondance avec Jean Paulhan. Jean-Richard Bloch, contemporain capital

  • Jean-Richard Bloch & Jean Paulhan, Correspondance 1920-1946. « Y a-t-il quelque chose qui nous importe plus que la vérité ? », Claire Paulhan, 2014, p. 167, 173, 179 et 201 (mars 2020).

François-Xavier Lefranc

  • Article intitulé « Lever la tête », paru dans Ouest-France du 24 août 2019.

Inséré le 27 janvier 2020.

Barrès, toujours

Coutarel, dans une savante (et très lisible) étude sur les relations entre Joseph Delteil et Maurice Barrès, cite à deux reprises Jean Guéhenno (longue citation p. 68, p. 75). Il rappelle l’aura de Barrès parmi des écrivains et des hommes politiques aussi divers qu’Aragon, Arland, Blum, Breton, Cocteau, Henri Franck, Gide, Mauriac, Montherlant, Jacques Rivière… et Guéhenno. (septembre 2019)

  • Coutarel, Philippe « L’“Amateur d’âmes” et le “sacré corps” » ; Bantcheva, Denitza (dir.), Joseph Delteil, Les Dossiers H, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1998, p. 64-75.

Jean Prévost

Prévost, en septembre 1932, dans sa présentation de la revue Europe pour les lecteurs de la Revue des Vivants oppose à Robertfrance Guéhenno « au talent sentimental et nerveux, dévoué à sa cause et à ses amis, au point de considérer la partialité comme un devoir. » (septembre 2019)

  • « Jacques Rivière. Jean Prévost », Europe, juin-août 2019

« Sortons de ce matérialisme à la Guéhenno ! » Le Figaro a publié dans son supplément littéraire, du 9 mars au 27 avril 1940, une enquête, « Ce qu’ils lisent », à laquelle ont répondu une vingtaine d’écrivains mobilisés. Extrait du dernier volet de l’enquête, donnant la parole à des non-lecteurs : « Croyez-moi, Monsieur, la Richesse de la vie que nous vivons actuellement vaut mille fois plus que la pauvreté de tous les romans pathologiques dont les intellectuels nous inondent. Nous sortons de ce matérialisme à la Guéhenno et à tant d’autres qui ne laissent que de l’amertume dans le cœur et qui tuent l’esprit plus sûrement que toutes les drogues. […] Il faut que les intellectuels brûlent ce qu’ils ont adoré et se penchent sur ces âmes magnifiques qui leur en apprendront plus que les invertis. […] » (septembre 2019) Capitaine Jean L’Hotte, commandant d’un escadron de chasseurs alpins, cité par Jacques Cantier, Lire sous l’Occupation, CNRS Éditions, 2019, p. 70 (septembre 2019)

Les hommes de demain

« Le rêve d’une humanité nouvelle ne peut partout commencer que dans une salle de classe. » écrit Jean Guéhenno dans Sur le chemin des Hommes. C’est sur cette citation que s’ouvre le projet académique 2018-2021 de l’académie de Reims, nous signale Didier Déleris. (septembre 2019)

Panaït-Istrati et Jean Guéhenno

À l’occasion de la sortie de la correspondance Istrati-Rolland, Claude Delafosse nous a envoyé une préface intéressante d’Annie Guéhenno aux lettres échangées par son mari avec Istrati (pp. 17-23). Elle rappelle que Jean Guéhenno a pris l’initiative d’un rapprochement entre Rolland et Istrati en 1933, qu’il admirait l’œuvre de ce dernier, publié à maintes reprises dans Europe entre 1929 et 1935. C’est Guéhenno qui a pris le relais de Robertfrance pour être l’éditeur d’Istrati chez Rieder. (juillet 2019)

  • Panaït Istrati-Romain Rolland, Correspondance 1919-1935, prés. D. Lérault et J. Rière, Gallimard, 2019
  • Correspondances de Panaït Istrati avec Jean Guéhenno, Nikos Kazantzaki, Ernst Bendz, Jean-Richard Bloch, Georg Brandès, François Franzoni, Josué Jéhouda, Frédéric Lefèvre et Marcel Martinet - préface de Mircea Iorgulescu, in Cahiers Panaït Istrati n° 8, 1991, pp. 17-23.

Jacques Lusseyran

Dans son entretien sur la littérature de la Résistance et son statut au moment de la Libération, Jacques Cantier, qui vient de publier Lire sous l’Occupation, CNRS éditions, 2019, rappelle ces beaux livres que furent Et la lumière fut et Le Monde commence aujourd’hui de Jacques Lusseyran. (juillet 2019)

  • Cantier, « Lire pour être libre », Les Carnets de l’IMEC, n° 11, printemps 2019, pp. 12-13.
  • Jacques Lusseyran, entre cécité et lumière, coll., dir. M. Chottin, C. Roussel, Z. Weygand, Éditions Rue d'Ulm, 2019
  • Lusseyran, Et la lumière fut, Gallimard, Folio, rééd. 2016
  • Lusseyran, Le Monde commence aujourd’hui, Folio, rééd. 2016

 

Paul Guth (1910-1997) publie en 1980 sa Lettre ouverte aux futurs illettrés (Albin Michel, collection « Lettre ouverte », 209 p.).

Dans ce pamphlet, cet ancien professeur de français dénonce la trahison dont la France est victime, frappée par « les taupes », entendons la partie des élites qui sape le pays dans ses assises politiques mais aussi culturelles. L’auteur est évidemment sensible, dans ce domaine, aux attaques dirigées, dans le système éducatif, contre le grec et le latin. Il raconte (p. 69) « l’angoisse que [lui] causaient, dans Le Figaro, les chroniques d’une de [ses] anciens professeurs du stage d’agrégation, le fils d’un cordonnier breton ». Nul besoin de s’interroger longtemps sur l’identité de ce chroniqueur, puisque Paul Guth continue : « Théoricien de gauche, il se croyait obligé de cribler de sarcasmes le latin, ‘‘trésor des mandarins’’. À la forge de mon père, le mécanicien gascon, suant sous son bleu de travail, où était le mandarin ? Ce professeur devenu écrivain prétendait que le latin était un lierre qui étouffait l’arbre de l’enseignement du français. Si on arrachait ce lierre, le chêne du français prospèrerait pour les enfants du peuple ‘‘au grand soleil de Messidor’’ ». On peut lire plus loin dans l’ouvrage (p. 103-118) l’argumentaire que déploie Paul Guth en défense du latin et de son enseignement, qu’on pourra mettre en regard de l’abondante série d’articles que nous devons à Jean Guéhenno sur ce sujet. (juillet 2019)  Sous le titre La Cause de Dieu, Henri Guillemin (1903-1992) réédite en 1990 chez Arléa deux études anciennes, l’une sur Ozanam, l’autre sur Lamartine. Il y ajoute une étude inédite sur Rousseau et Robespierre dans laquelle il évoque rapidement la biographie de Rousseau que Jean Guéhenno fait paraître au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale (3 volumes : Grasset, 1948 et 1950 et Gallimard, 1952 ; réédition chez Gallimard en 2 volumes en 1962). On y entend un écho lointain, par ricochet, des débats (que Guéhenno qualifiait de « corrida ») qui opposèrent, en 1942, Henri Guillemin et François Mauriac à Jean Guéhenno au sujet de Rousseau (voir, à ce sujet, la Correspondance Jean Guéhenno-François Mauriac parue à l’été 2018, p. 38-41). (juillet 2019)

Romain Rolland : une intervention de Guéhenno dans un balado de France Culture

Claire Paulhan nous transmet l’information : l’on peut entendre Jean Guéhenno dans cette émission consacrée à Romain Rolland, rediffusée le 4 mai 2019 (1ère diffusion le 22 janvier 1966, 120 min.) 14-18 : Magazine mensuel de la Première Guerre mondiale - Romain Rolland et la guerre (juillet 2019)

Deuxième Guerre mondiale et résistance des intellectuels : une exposition à l’IMEC (26 avril-30 juin 2019) : Liberté, j’écris ton nom Cela s’appelle Résister Poètes et écrivains : par l’écriture, ils ont défendu l’honneur, dénoncé les criminels et pleuré les héros. Éluard, Desnos, Duras, Paulhan, Tardieu, Cayrol, Aragon…, avec une sélection de 90 pièces d’archives extraites de ses collections, l’IMEC expose une certaine idée de la liberté. L’IMEC réunit à l’abbaye d’Ardenne poèmes engagés, carnets de captivité, correspondances, tracts, journaux, revues clandestines, faux papiers… En quelques archives, on peut reconstituer le mouvement incessant des idées ; on peut lire la peur, l'effroi, mais aussi l'immortalité du courage, la générosité, l'intelligence. (juillet 2019)

 

Julien Cain

L’exposition de la Bibliothèque Nationale de France, « Manuscrits de l’extrême » (9 avril-7 juillet 2019), présente une lettre de Julien Cain, proche de Léon Blum, ancien directeur de l’institution et déporté pendant l’occupation nazie. Voir la dernière édition du Journal des années noires en Folio, p. 121. (juillet 2019)

  • Macha Séry, « En mémoire de Julien Cain », Le Monde, 24 mai 2019

https://www.bnf.fr/fr/agenda/manuscrits-de-lextreme  

Lucien Bourgeois

  • Quinzinzinzili, n° 29, hiver 2016, a consacré un dossier à Lucien Bourgeois, dont nous reparlerons dans le Cahier Guéhenno n° 7. Il contient des articles de Guibert Lejeune, « Faubourgs, douze récits de Lucien Bourgeois », de Régis Messac, « Lucien Bourgeois et la littérature prolétarienne », une lettre de Régis Messac à René Bonnet, pp. 10-18. (décembre 2018)

 

Le Maitron en accès libre !

Le Maitron, célèbre dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et du mouvement social, aujourd’hui dirigé par le chercheur Claude Pennetier (186 000 fiches, allègrement plagiées par le site Wikipedia), est en ligne et consultable gratuitement. (décembre 2018)

 

Une bande-annonce pour La Jeunesse morte

La vente de La Jeunesse morte a peu bénéficié de l’effet commémoration du centenaire de la guerre de 14-18. L’éditrice Claire Paulhan prévoit une bande-annonce destinée à mettre en valeur le message de ce beau livre. (décembre 2018.)  

Masereel

Frans Masereel a illustré la couverture de l’édition allemande du Journal d’un homme de 40 ans de Guéhenno. Ses gravures apparaissent souvent dans l’hebdomadaire Vendredi (1935-1938), dont nous venons d’insérer dans notre site un index provisoire. La revue L’Actuel. L’estampe contemporaine, n°13, lui consacre un article, comportant de belles reproductions de son travail, à l’occasion de l’exposition sur les romans typographiques de Frans Masereel et d’Olivier Deprez au musée du Dessin et de l’Estampe de Gravelines (octobre 2018-février 2019) : S. Dégardin, « Serial graveurs », pp. 59-61 (avec une bibliographie récente). (décembre 2018)

 

Chamson-Guéhenno, cent lettres de 1927 à 1961

La Correspondance André Chamson-Jean Guéhenno est presque prête ! Micheline Cellier-Gelly et moi-même avons mis la dernière main à l’appareil critique et à la mise en forme des lettres. La bibliographie sera bientôt élaborée, et il ne restera plus qu’à établir l’index des noms, des œuvres et des périodiques. L’ensemble sera aussitôt soumis à nos relecteurs, au premier rang desquels Frédérique Hébrard, la fille d’André Chamson. Puis le moment sera venu d’entamer notre réflexion sur une solution éditoriale pour cette correspondance inédite d’un peu moins de cent lettres échangées, entre 1927 et 1961, par deux écrivains d’inspirations dissemblables. Au fil de ces courriers, nous assistons aux débats intellectuels de l’entre-deux-guerres, à la construction de l’hebdomadaire Vendredi, à la « drôle de guerre » et à l’Occupation vécus par leurs auteurs ; enfin, nous pénétrons dans les arcanes de l’élection à l’Académie de Jean Guéhenno.

Le syndrome du survivant

Historia a publié un article de Jean-Yves Le Naour, « Pourquoi eux ? Pourquoi pas moi ? » sur le « syndrome du survivant ; ces lignes de Jean Guéhenno dans L’Évangile éternel y sont citées : « Tant d’hommes étaient morts que, même si on avait pris part à leurs épreuves, on éprouvait comme de la honte à leur survivre. Pourquoi eux ? Pourquoi pas moi ? ». (juillet 2019)

  • Historia, « 1918-2018. Mémoires de poilus », novembre 2018, n° 863, pp. 39-41.

 

Femmes dans la Résistance

  • Notre adhérent, Luc Grijol, nous signale des références à Jean Guéhenno dans le livre d’Élisabeth Terrenoire (1912-1992) sur les femmes dans la Résistance, paru en 1946. Historienne, fille de l’homme politique Francisque Gay (auquel elle a consacré un livre primé par l’Académie Française, Un combat d’avant-garde), elle était l’épouse du ministre Louis Terrenoire. Juillet 2018

Trotski vu par Guéhenno

Cet article de Guéhenno sur Léon Trotski, dans un n° d’Europe en octobre 1930, est accessible en ligne sur le site de la revue. Juillet 2018.

Le souvenir de Jean Cassou

Très beau dossier sur ce contemporain de Guéhenno sous la plume d’A. Buffet, P.-Y. Canu, E. Morin, J.-M. Pelorson, O. Bara, M. Wisniewski, suivi de poèmes inédits et de la réédition d’un texte rare sur Goya.

  • Europe, novembre-décembre 2017, pp. 181-251. 5 mars 2018

 

Léon Werth et James Sacré

Notre ami David Ball, prix French-American Foundation / Florence Gould en 2014, a consacré dans Time un article au livre de Léon Werth, Déposition. Journal de guerre 1940-1944, qu’il a traduit pour le public anglophone sous le titre  Deposition 1940-1944: A Secret Diary of Life in Vichy France. Rappelons que D. Ball n’est pas seulement le traducteur en anglais du Journal des années noires mais que, grâce à lui, de nombreux écrivains français ont touché le public américain. Dans le dernier numéro de la revue Europe (mai 2018), il explique, en même temps que l’impossibilité de traduire le poète James Sacré, l’amitié, le défi, le plaisir, qui l’ont conduit à défier cette impossibilité.

  • “A Jewish Writer Kept a Secret Diary During the Nazi Occupation of France. It Offers an Important Lesson About History”, http://time.com/5261725/vichy-diary-translator/
  • « L’impossible n’est pas toujours sûr », Europe, mai 2018, pp. 213-216.

 

Traduction du Journal des années noires en anglais (suite)

La revue de The Society for French Historical Studies (États-Unis) a publié en avril 2018, dans son n° 68, un compte rendu détaillé par la professeure Sandra Ott de la traduction du Journal des années noires. Nous avons passé en revue les premières réactions à cette traduction dans le n°5 des Cahiers Guéhenno, pp. 142-144. Mai 2018

 

Guéhenno professeur au collège Sévigné en 1943-1944

Jean Guéhenno, rétrogradé par le ministre de l’Éducation de Vichy, Abel Bonnard, trouve un refuge « en marge du système » au collège Sévigné, dirigé sous l’Occupation par Marie-Louise Soustre. Avant lui, Pierre Brossolette y a enseigné comme vacataire en 1940-1941. Le volume fait état, p. 57, d’une lettre d’Alain à Jean Guéhenno, le 7 avril 1935.

  • Centenaire du Collège Sévigné 1880-1980. Exposition à l’Institut national de recherche pédagogique, mars-septembre 1981. Catalogue par Yvette Fédoroff. 1982. 2 février 2018

Pendant la dernière année de l’Occupation, Guéhenno, rétrogradé par Vichy, s’est vu proposer au collège Sévigné un cours de préparation à l’agrégation par la directrice « qui [lui] manifestait sa sympathie et voulait protester contre les brimades dont [il était] victime ». Le climat moral de Sévigné, premier lycée de France pour les jeunes filles, s’explique par les circonstances de sa fondation et la personnalité remarquable, l’influence durable, de sa directrice, Mathilde Salomon, morte en 1909. Les actes d’une journée d’hommage consacrée à son action en 2009 viennent de paraître. Ils comportent, entre beaucoup de documents intéressants, l’extrait d’un discours de Jules Ferry expliquant l’intérêt d’un enseignement libre laïc, terrain favorable aux expérimentations qui pourront être reprises plus tard à une grande échelle. 

  • JG., Journal des années noires, Folio, Gallimard, 2014 (24 juin 1944, p. 441). Jean-Pierre de Giorgio (sous la dir.), L’école des jeunes filles. Mathilde Salomon. Presses universitaires de Rennes, 2017 (allusion à Guéhenno p. 12 ; discours de J. Ferry à la Chambre en 1879, p. 102). 2 janvier 2018

Une Amérique qui inquiétait déjà

Jacques Thouroude nous signale, sur le site de Gallica/BNF, un article de Marcel Martinet dans L’Humanité. Il rend compte avec force éloges et citations, d’un texte de Jean Guéhenno dans La Grande Revue de décembre 1921, sur le dernier livre de Waldo Frank, Notre Amérique, aux éditions de la N.R.F. 23 février 2018

  • M. Martinet, « Les Lettres : Grandeur américaine », L’Humanité, 2 février 1922, p. 2. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k400298j/f2.vertical.r=Gu%C3%A9henno

 

Pensoir  « lieu, pièce où l'on se retire pour penser, pour réfléchir »

(Centre national de Ressources Textuelles et Lexicales-ORTOLANG, http://www.cnrtl.fr/definition/pensoir) Ce mot se trouve à deux reprises dans l’œuvre de Jean Guéhenno : « Il ne reçut point de pension. Il s’évertua une dernière fois, à sa manière, sans bouger de sa retraite et de son pensoir ». Jean-Jacques, en marge des Confessions, Grasset, 1948, p. 121. Michèle Mourot-Laborne a  également relevé cette expression dans La  Jeunesse Morte, Claire Paulhan, 2008, p. 190. Décembre 2017.  

Guéhenno en breton

Ce nom breton signifie « combattant », du vieux breton « guethen » (combat), selon Le Petit Robert des noms propres, 2010. Décembre 2017.  

Almanach des Lettres françaises et Journal des Volontaires (1944)

Notre association vient d’acheter cette publication du Comité National des Écrivains (CNE), dans l’intention d’en faire don plus tard au Fonds Guéhenno de la bibliothèque de Fougères. Publié en mars 1944, ce volume contient un texte de Guéhenno sur le maquis et le Journal des Volontaires, que l’on retrouvera plus tard dans le Journal des années noires dans une version différente (1er et 7 janvier 1944, pp. 399-403 de l’édition Folio de 2014). Imprimeurs et éditeurs dans la Résistance, La Documentation française Association pour des études sur la Résistance intérieure (AERI), 2010, rappelle les risques énormes encourus par tous les maillons de l’édition clandestine et par les imprimeurs au premier chef. (19 décembre 2017)

Guéhenno parmi nous

  • Diary of the Dark Years

La traduction du Journal des années noires réalisée par David Ball a été incluse dans sa liste des meilleurs livres de l’année 2016 par le critique du Guardian, Pankaj Mishra. Il estime que la volonté de préserver la liberté de l’esprit de Guéhenno éveille des échos très forts chez les intellectuels affrontant aujourd’hui des états de type fasciste. https://www.theguardian.com/books/2016/nov/26/best-books-of-2016-part-one

  • Sur le site de En Envor (revue bretonne et malouine), consulté le 12 janvier 2017, Yves-Marie EVANNO a publié un article sur Guéhenno, faisant écho à la tribune récente de Jean-Pierre Rioux dans Libération (merci à J. Thouroude de nous l’avoir signalé).

http://enenvor.fr/eeo_actu/entredeuxguerres/jean_guehenno_ce_fils_d_ouvrier_de_fougeres_devenu_ecrivain.html

  • Annie Ernaux

« Elle est passée de l’autre côté mais ne saurait dire de quoi, derrière elle sa vie est constituée d’images sans lien. Elle ne se sent nulle part, seulement dans le savoir et la littérature. » Les Années, Gallimard, 2008, p. 87

  • Irène Frain

Beau texte sur l’aspiration à la haute culture dans un milieu défavorisé… Irène Frain, « Quand Bach fit une entrée fracassante dans nos 30 m2 », Le 1, 30 mars 2016 http://le1hebdo.fr/journal/numero/100/quand-bach-fit-une-entre-fracassante-dans-nos-30-mtres-carr-1530.html

  • Papeterie Gallimard

La papeterie Gallimard a édité, en mai 2017, un carnet reprenant la couverture de Voyages de Jean Guéhenno (192 pages lignées). http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Papeterie/Papeterie/Les-carnets/Carnet-Voyages-papeterie

  • Ouest-France

Le quotidien Ouest-France Ille-et-Vilaine a rendu compte le 7 juin 2016 de notre Cahier Guéhenno n°5, dans sa rubrique des livres. Qu’il en soit ici remercié, comme de son soutien régulier.

  • Le 1

Numéro spécial « Étonnants voyageurs » ; en dernière page : « Le livre est un outil de liberté ». Jean Guéhenno, écrivain (1890-1978). Mercredi 31 mai 2017. Merci à Michèle Mourot-Laborne de nous l’avoir signalé.

  • François Werkoff

Les peuples comme les hommes se mesurent à leurs rêves, F. Werkoff cite Guéhenno dans le titre de son Essai sur le pessimisme français. http://www.leseditionsdunet.com/histoire-et-actualites/4045-les-peuples-comme-les-hommes-se-mesurent-a-leurs-reves-essai-sur-le-pessimisme-francais-francois-werkoff-9782312042053.html  

Caliban parle

Jeanne Alexandre rend compte de l’essai de Guéhenno dans les Libres propos d’Alain, en décembre 1928, pp. 575-578. Elle s’indigne du « silence fait autour du livre [par] la puissante critique ». Voir C. Weis, Jeanne Alexandre [1890-1980]. Une pacifiste intégrale, Presses universitaires d’Angers, 2005, pp. 206-207 (autre référence à Guéhenno, p. 223).  

Le Canard enchaîné

Article de Laurent Arzel sur « Les premiers pas du Canard enchaîné », repris dans Gallica, 19 décembre 2016 http://gallica.bnf.fr/blog/recherche_blog?votre_recherche=canard+encha%C3%AEn%C3%A9  

Dangers de la contagion

« Mais à quoi servirait une victoire sur le régime nazi, si les vainqueurs se laissaient contaminer par l’esprit nazi ? Pour combattre la brutalité extrême, il se peut que des moyens brutaux soient admissibles, voire nécessaires (…). L’absence de scrupules de l’ennemi ne doit pas vous ôter vos scrupules. Attention aux dangers de la contagion ! ». Klaus Mann, Le Tournant (Der Wende punkt, Ein Lebensbericht), Solin, 1984, p. 579 Klaus Mann, soldat de l’armée américaine pendant la campagne d’Italie (1944), cliché de l’US Army  

Drieu La Rochelle

Le Journal d’un homme de 40 ans est évoqué dans ce livre sur Drieu, ainsi que Paulhan : Aude Terray, Les Derniers Jours de Drieu La Rochelle, Grasset, 2016. Note 1, p. 67, p. 19, 21, 31, 39, 40-43, 72-73, 210, 223.  

Jean Duval

Allusions à Jean Duval et à sa femme, Colette Vivier, ainsi qu’à Paulhan. Simone Martin-Chauffier, A bientôt quand même, Calmann-Lévy, 1976. P. 100, 109-110, 115.

Guerre et vieillards

Guéhenno s’est souvent attaqué, à propos de la Grande Guerre, à ce qu’Alain appelait « le chœur des vieillards », d’autant plus bellicistes qu’ils faisaient la guerre « avec le sang des autres ». Ce thème est abordé, contextualisé par C. Weis aux pp. 51-52, 123 de son essai, où il se réfère à Guéhenno. C. Weis, Jeanne Alexandre [1890-1980]. Une pacifiste intégrale, Presses universitaires d’Angers, 2005, p. 240

Jaurès et Guéhenno : la seule école libre…

Le Livre de Poche a réédité le grand discours de Jean Jaurès « Pour la laïque » (1910), prononcé devant l’Assemblée nationale au moment du débat sur le budget de 1910. Élévation de la réflexion, étendue de la culture et des références, humour aussi, continuent d’en imposer au lecteur d’aujourd’hui, au-delà des formes d’éloquence qui ne sont plus les nôtres. Le contraste avec les débats publics d’aujourd’hui est fort. On comprend pourquoi ce testament de Jaurès sur l’école publique, la morale laïque et la pensée des religions, l’opposition des deux France, continue de toucher… comme son « Discours à la jeunesse », que reprenait Guéhenno dans sa bibliothèque pour le lire à sa fille, pendant les années noires de l’Occupation et de Vichy, afin de purifier l’air qu’elle respirait. Jean Jaurès, Pour la laïque, prés. Vincent Duclert, Les Classiques de Poche, Le livre de Poche, 2005, 112 p. (repères chronologiques).

Mondzain

Dans l’article de Wikipédia (fr.wikipedia.org/wiki/Simon_Mondzain), l’association des lecteurs de Guéhenno a inséré ces deux références bibliographiques :

  • Jean Guéhenno, Simon Mondzain, étude critique, Les peintres nouveaux, Gallimard,
  • Julie Clarini, " Marie José Radicale comme une image ", Le Monde [des livres], 7 juillet 2017, p. 10 (cet article contient des précisions sur la vie de Simon Mondzain).

L’article de J. Clarini donne les informations suivantes : il existe un portrait de Simon Mondschejn par Modigliani. Le peintre, qui a fui le ghetto de Chelm en Pologne, échappant à une religion qui interdisait les images, « pour pouvoir continuer à dessiner, sa volonté d’être artiste envers et contre tout – et contre tous (son propre père, très religieux, lui jettera l’anathème) » étant la plus forte, a vécu à Paris et à Alger (de 1933 à 1962). [NDLR : on peut se demander s’il est cité dans l’ouvrage récent d’E. Cazenave et J.-C. Serna, Le Patrimoine artistique français de l’Algérie. Les œuvres du Musée National des Beaux-Arts d’Alger de la constitution à la restitution 1857-1970, Saint-Raphaël, éditions Abd-el-Tif, 2017]. Engagé dans l’armée française, il a combattu à Verdun et est devenu français en 1923.

 Vive la Nation ?

Il y a des automatismes contre lesquels lutter serait un métier à temps complet. Essayez de prononcer le mot «  nation ». Votre interlocuteur fronce les sourcils, vous êtes suspect. Dans la minute qui suit il vous parlera de nationalisme, puis de guerre… Et comme tous les demi-instruits, il n’a pas totalement tort. Le professeur Nathan Bracher, dans le prolongement de la réflexion ouverte par Michel Winock (voir M. Winock, « Les nationalismes français », Barcelone working papers 1994, Institut de Ciències Polítiques i Socials (ICPS), Universitat Autònoma de Barcelona, http://www.icps.cat/cerca), étudie, à partir du Journal des années noires, en quel sens la nation peut prendre un sens républicain et généreux, lié à l’identité collective d’un pays. Il rappelle que la Nation héritée de la Révolution française avait fait des Français un corps politique de citoyens ayant adhéré à des valeurs communes qui les libéraient de leur situation de sujets du roi, par l’adoption desquelles ils s’étaient affranchis. C’est ce souvenir qui guide Guéhenno sous l’Occupation et inspire son engagement. Engagement d’une nature très particulière, opposé bien sûr au pur intellectualisme d’un Benda, dénonciateur de la « Trahison des clercs », opposé aussi au pouvoir des maîtres à penser dont l’enterrement de Sartre marquera la fin. Et si ce non conformisme radical, à l’écart des systèmes, constituait la modernité de Guéhenno, après l’avoir longtemps desservi ? Pour Bracher, il représente le type de l’intellectuel modeste, désireux de servir son pays, sans l’écraser de son génie. Son rôle est de procurer d’indispensables repères dans l’épreuve, de maintenir l’exercice de l’esprit critique, tout en partageant le quotidien de ses compatriotes, en restant « fraternel » : on ne pense pas librement tout seul !

  • Nathan Bracher, « The Intellectual and ‘La Nation’ in Jean Guéhenno’s Journal des années noires», French Cultural Studies, vol. 23, 1: pp. 64-78.

 

Nemirovsky et Guéhenno

Nathan Bracher, dans son livre After the Fall: War and Occupation in Irene Nemirovsky's Suite française. Washington, DC: Catholic University of America Press, 2010, se réfère plusieurs fois au Journal des années noires.  

Jeanne Alexandre et le pacifisme

Paulhan et Guéhenno se sont opposés sur le pacifisme de l’entre-deux-guerres, critiqué également dans les « Chroniques de Jean Guérin » de La NRF. On trouvera des compléments d’information sur les polémiques soulevées par les normaliens et Alain en 1927-1929, 1932, 1934, aux p. 146-148 de l’ouvrage de C. Weis. D’autres allusions, cette fois à la littérature pacifiste entraînée par la Grande Guerre (Jolinon, Duhamel, Lalou, Schlumberger, Remarque…, entre autres) sont à signaler pp. 214-217. C. Weis, Jeanne Alexandre [1890-1980]. Une pacifiste intégrale, Presses universitaires d’Angers, 2005 (voir également Jean-K. Paulhan, « Intellectuels désarmés ? 1932, une année de polémiques entre Paulhan et Guéhenno» in « L’épistolaire à La Nouvelle Revue Française 1909-1940», Épistolaire, n°34, décembre 2008, Champion, pp. 81-97). Les pacifistes intégraux entre les deux guerres, dont faisait partie Jeanne Alexandre, forts de leur culture historique française, voyaient dans le nazisme un phénomène qui leur était familier : « Qui a vécu, peu ou beaucoup, avant la guerre [de 14-18] reconnaît en Hitler le Boulanger, le Déroulède, le Barrès germanique, de même que le colonel de La Roque se dresse sur des ergots de Hitler français. » (p. 240 du livre de C. Weis). Il est facile d’ironiser sur ces lignes parues dans les Libres propos, la revue d’Alain, en mai 1934, mais la tentation est récurrente, au moins chez les politiques qui veulent jouer aux historiens, de réduire le présent et le proche avenir à ce qu’ils savent du passé. Que l’on pense à l’abus de la référence aux Accords de Munich.  

Toujours Péguy

Il n’y a « rien de si contraire aux fonctions de la science que les fonctions de l’enseignement puisque les fonctions de la science requièrent une perpétuelle inquiétude et que les fonctions de l’enseignement, au contraire, exigent perpétuellement une assurance admirable. » Cité par Jean-Pierre Rioux, Vive l’histoire de France !, Odile Jacob, 2015.

Henry David Thoreau

« Je ne m’étendrais pas tant sur moi-même s’il était quelqu’un d’autre que je connusse aussi bien. Malheureusement, je me vois réduit à ce thème par la pauvreté de mon savoir. Qui plus est, pour ma part, je revendique de tout écrivain, tôt ou tard, le récit simple et sincère de sa propre vie, et non pas simplement ce qu’il a entendu raconter de la vie des autres hommes. », p. 10 « Sans doute autrui peut-il aussi penser pour moi ; mais il n’est pas à souhaiter pour cela qu’il le fasse à l’exclusion de mon action de penser pour moi-même. », p 72. Extrait (premier chapitre) de Walden ou La Vie dans les bois (1854), in « Je vivais seul dans les bois », Folio, Gallimard, 2015  

Simone Weil

Signalons l’article d’Alexandre Massip, auteur en 2010 d’une thèse, S’engager aux côtés de la classe ouvrière pour « changer la vie » : 1919-1939, sur « L’éducation populaire chez Simone Weil ». Il conclut ainsi : « La culture réclame toujours un effort sur soi-même. Il faut également toujours en revenir aux œuvres originales, et tout particulièrement aux récits mythiques chers à la philosophe. » L’Agrégation, numéro spécial « Culture générale et spécialisation », n° 484, janvier-février 2017, pp. 179-190.  

Guéhenno et l’Allemagne de l’entre-deux guerres

Sauf erreur de notre part, ce volume sur les relations franco-allemandes de l’entre-deux guerres, ne mentionne nulle part Guéhenno. Il n’en est pas moins passionnant. Signalons en particulier l’étude de Susanne Paff, « Eduard Wechssler et les conférences françaises à l’Université de Berlin 1926-1934 », pp. 175-226. La personnalité, les idées, l’action politique (pas seulement intellectuelle) de ce prestigieux professeur, travaillant en lien étroit avec son ministère des Affaires étrangères et les autorités de l’enseignement supérieur allemand, y sont étudiées de façon très détaillée. H. M. Bock, G. Krebs, Échanges culturels et relations diplomatiques. Présences françaises à Berlin au temps de la République de Weimar, PIA Publications de l’Institut d’allemand d’Asnières, 2004

Anticolonialisme

L’anticolonialisme de Guéhenno entre les deux guerres mondiales est souvent jugé trop modéré, pour ne pas dire décevant. Les pp. 165-172 du livre de C. Weis, « Au-delà des préjugés, la question coloniale », fournissent des références intéressantes comprenant des textes d’Alain, de Maurice Halbwachs (frère de Jeanne Alexandre), de Romain Rolland, de Lucie Couturier, Léon Werth, Roland Dorgelès, Louis Roubaud, Paul Monet, Luc Durtain, Charles Boussinot. Signalons l’article de Guy Sat « Jean Guéhenno face au problème colonial », in Aden n° 8, octobre 2009, p. 176-193, qui peut être envoyé à nos lecteurs sur simple demande à la rédaction des Cahiers Guéhenno. C. Weis, Jeanne Alexandre [1890-1980]. Une pacifiste intégrale, Presses universitaires d’Angers, 2005, p. 240

Bourgeois et Guéhenno

Numéro spécial de la revue d’Edmond Thomas sur l’écrivain prolétarien Lucien Bourgeois (1882-1947), dont les grands textes sont réédités par Plein Chant. Ce numéro présente des repères chronologiques, une bibliographie, la reproduction d’un hommage de 1957 rédigé par des interlocuteurs proches de Bourgeois, celle de son « roman » Midi à XIV heures, des nouvelles dispersées dans des revues introuvables aujourd’hui, un dossier critique sur L’Ascension et sur Faubourgs, une gravure de Germain Delatousche. La première note de Guéhenno, reproduite intégralement ici, que Paulhan accueille à La NRF (octobre 1926) concerne L’Ascension (Rieder, 1925). En voici un extrait : « Hélas ! Il faut bien qu’il se l’avoue, cet effort même qu’il a fourni, son « ascension » même, a fait de lui dans sa classe comme un irrégulier. Et c’est peut-être une des réflexions les plus tragiques que suggère ce livre : la masse ne saurait avoir de témoins. Acquérir les moyens d’exprimer son tourment, c’est d’une certaine manière cesser d’en être, devenir inapte au témoignage. […] Michelet disait que « le difficile n’est pas de monter, mais, en montant, de rester soi. » […] Lucien Bourgeois a résolu ce difficile problème […] : « J’ai compris à la longue que le mieux que j’avais à faire, si j’étais susceptible de faire quelque chose de bon, était de rester moralement et à tous les autres points de vue, avec ceux au milieu desquels le sort m’a fait naître. » » « Lucien Bourgeois », Plein Chant Documents 85, printemps 2016, 15 €. (35 route de Condé 16120 Bassac), www.pleinchant.fr